Pour plusieurs, le suspense était quasiment nul en vue de l'élection présidentielle du 5 octobre prochain au Brésil. La présidente sortante Dilma Rousseff allait l'emporter sans trop de difficultés au cours d'une campagne où tout semblait joué d'avance. Puis, un tragique accident est venu bousculer l'échiquier politique. La mort du candidat Eduardo Campos, troisième dans les sondages, a laissé la place à Marina Silva, qui grimpe déjà en deuxième place derrière Rousseff. Sera-t-elle un feu de paille ou la future présidente du plus important pays d'Amérique du Sud? Réponse en quatre temps.

1. Un coup du destin

Le 13 août, un avion s'écrase à Santos, dans l'État de São Paulo, au Brésil. Aucun des sept passagers ne survit à l'accident. Parmi eux se trouve Eduardo Campos, chef du Parti socialiste brésilien, qui se trouve au troisième rang, loin derrière ses rivaux, dans les sondages en vue de l'élection présidentielle. Le parti se tourne alors vers sa colistière, Marina Silva, pour le remplacer. Elle a été officiellement désignée candidate pour la présidentielle mercredi soir. La femme de 56 ans prend la place d'un candidat respecté, mais qui était peu connu du public, note Philippe Faucher, professeur au département de science politique à l'Université de Montréal.

2. Un bond dans les sondages

Jusque-là, le Parti socialiste et Eduardo Campos étaient au troisième rang avec 10% des intentions de vote. Un sondage diffusé lundi dernier place déjà Marina Silva au deuxième rang, derrière Dilma Rousseff, avec 21% des voix. Mieux encore, en cas de second tour, les sondeurs prédisent que Mme Silva (47%) l'emporterait contre Mme Rousseff (43%). Marina Silva apparaît alors comme une menace sérieuse à la réélection de la présidente sortante. Mais Philippe Faucher n'est pas de cet avis. Il croit plutôt que la politicienne a déjà fait le plein des voix qu'elle peut aller chercher dans l'électorat. «Elle est allée chercher les voix de ceux qui l'appuyaient déjà et un certain capital de sympathie à la suite de la mort de Campos, mais ça ne sera pas suffisant.» Les prochaines semaines laisseront aussi place aux campagnes publicitaires à la télévision où la formation de Dilma Rousseff a un net avantage budgétaire sur ses adversaires.

3. Un premier coup dur

À peine désignée comme candidate à la présidence, Marina Silva a dû encaisser hier son premier coup dur. Le chef de la campagne d'Eduardo Campos a refusé d'occuper les mêmes fonctions pour elle et a annoncé sa démission. C'est que tous ne voient pas d'un bon oeil l'arrivée de cette femme jugée intransigeante à la tête du Parti socialiste. Mme Silva elle-même ne s'est ralliée à cette formation politique qu'à la toute dernière minute. «Le Jello n'a pas vraiment pris entre Marina Silva et le Parti socialiste brésilien. C'était en quelque sorte un mariage forcé», signale Philippe Faucher. En vue de l'élection présidentielle de 2014, elle a tenté sans succès de fonder un parti, le Réseau de la durabilité. Incapable de recueillir à temps le nombre de signatures obligatoires pour faire enregistrer son parti, elle s'est finalement ralliée aux socialistes d'Eduardo Campos.

4. Une candidate écolo

Marina Silva n'est pas inconnue du public brésilien. Elle a été ministre de l'Environnement de 2003 à 2008. En 2010, elle était candidate à l'élection présidentielle pour le Parti vert. Elle a créé la surprise en recueillant 20% des voix. C'est une femme intègre, mais son discours est un peu simpliste, note Philippe Faucher. Comme présidente, il n'est pas évident qu'elle puisse concilier ses positions environnementales avec la gestion de l'État. «Toute l'activité économique du Brésil, je dis bien toute, va absolument à l'encontre de l'agenda environnemental. Ça serait très difficile pour Marina Silva d'avoir une action politique qui irait dans le sens de son discours. Je crains qu'elle ne tombe dans un discours populiste de dénonciation du capitalisme barbare alors que le Brésil est en train de tomber en récession.» Selon M. Faucher, il y aura bien un vote de protestation qui va aller à Mme Silva, «mais au final, tout ça ne devrait pas inquiéter Dilma Rousseff».

Marina Silva en bref

> Âge: 56 ans

> Élevée dans une famille pauvre de l'Amazonie, elle n'a appris à lire qu'à l'âge de 16 ans.

> Élue sénatrice à l'âge de 36 ans.

> Ministre de l'Environnement de 2003 à 2008.

Dilma Rousseff en bref

> Âge: 66 ans

> Fille d'un homme d'affaires bulgare qui a émigré au Brésil.

> C'est la première femme à être élue à la présidence du Brésil.

> Elle a été chef de cabinet de l'ancien président Luiz Inàcio Lula da Silva, de 2005 à 2010.