La Cour suprême des États-Unis a infligé un sérieux camouflet à Buenos Aires, en refusant de se saisir d'un ultime recours de l'Argentine sur sa dette, ce qui confirme de facto sa condamnation à rembourser plus d'un milliard de dollars à des fonds spéculatifs.

La plus haute juridiction américaine n'a pas fait le moindre commentaire, mais sa décision peut être lourde de conséquences pour l'Argentine ainsi que pour d'autres pays en difficulté financière, dont les restructurations de dettes pourraient être plus contraignantes.

En refusant de se saisir de l'appel de Buenos Aires, la haute Cour confirme la décision d'une cour d'appel de New York qui, en août 2013, avait condamné l'Argentine à rembourser ses créances aux fonds spéculatifs NM. Capital et Aurelius Management.

Après la faillite du pays en 2001, ces fonds dits «vautours» avaient refusé la restructuration de la dette argentine et exigé le remboursement de la totalité des créances, majorées des intérêts, soit plus d'un milliard de dollars.

L'Argentine avait trouvé un accord avec la quasi-totalité de ses créanciers privés pour restructurer sa dette, pour un montant total de 90 milliards de dollars.

Dans son argumentaire, Buenos Aires avait prévenu la haute Cour américaine qu'un rejet de son appel lui ferait courir «un risque sérieux et imminent de défaut de paiement», avec des conséquences non seulement pour le pays, mais aussi pour les marchés financiers.

«C'est littéralement la fin de la route» judiciaire pour l'Argentine, a observé Anna Gelpern, experte de l'École de droit de Georgetown, en commentant le revers infligé par la haute Cour. Après des années de procédures, l'Argentine devra désormais payer ou se déclarer en défaut de paiement «dans des jours ou des semaines», ajoute l'analyste.

Buenos Aires pourrait du coup rouvrir la voie à d'autres négociations pour conclure un accord avec les fonds spéculatifs. Mais pour l'ancien secrétaire argentin aux Finances, Guillermo Nielsen, «c'est une victoire absolue des fonds vautours. Je n'imagine pas de solution négociée».

«Dangereux pour tout le système»

Selon les experts, cette décision, qui était attendue avec anxiété, pourrait encourager d'autres investisseurs à refuser à l'avenir tout effacement de leurs créances, au risque de compromettre des restructurations de dette cruciales pour les pays en difficulté financière, comme la Grèce au printemps 2012.

La plus haute juridiction des États-Unis a en outre infligé lundi un second revers à Buenos Aires, en le contraignant à dévoiler la liste de ses actifs financiers afin de faire exécuter le jugement.

«Les arguments de l'Argentine ne sont pas valables», a argué le juge Antonin Scalia, en rendant la décision de la majorité de la haute Cour, dans une affaire plaidée en avril. «Même si l'Argentine avait raison», écrit-il, la loi de 1976 «n'interdirait pas de dévoiler les avoirs extraterritoriaux d'un pays étranger, car le texte confère une immunité seulement aux biens d'un pays étranger +à l'intérieur des États-Unis+».

Le gouvernement Obama avait estimé, dans son argumentaire «amicus curiae» de soutien à Buenos Aires, que dévoiler les actifs financiers constituerait «une violation substantielle de la souveraineté» des pays étrangers.

La France, le Brésil, le Mexique, et même le Fonds monétaire international (FMI) et le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, étaient intervenus en faveur de l'Argentine.

Fin mai, Buenos Aires avait trouvé un accord avec les pays du Club de Paris sur l'apurement des arriérés de sa dette, mais, d'avis d'expert, la décision de la Cour suprême américaine ce lundi est susceptible d'avoir plus d'impact.

La juge Sonia Sotomayor n'a pas participé aux délibérations et c'est donc à huit que les juges de la haute Cour ont pris les deux décisions complémentaires.

La présidente argentine Cristina Kirchner avait estimé dimanche que «ce petit groupe de fonds vautours ne met pas en danger seulement l'Argentine, (...). Il est dangereux pour tout le système» de restructuration de dettes.