Le Venezuela devrait connaître samedi une nouvelle journée de tensions, le gouvernement de Nicolas Maduro ayant appelé ses partisans à manifester, au lendemain d'une nouvelle mobilisation d'étudiants visiblement décidés à engager un bras de fer contre lui.

Avec pancartes, banderoles, drapeaux vénézuéliens et porte-voix, des centaines de jeunes gens se sont d'abord réunis vendredi à la mi-journée et sous le soleil sur la place Altamira, dans le quartier aisé de Chacao (est), avant de bloquer rues et avenues alentour, aux cris notamment de «Liberté! Étudiants!» ou encore «Peuple, écoute, rejoins la lutte !».

Certains d'entre eux, qui avaient bloqué une autoroute dans l'est de la capitale, ont été délogés vendredi soir par la police à coups de gaz lacrymogène.

«Une fois encore, nous sommes ici pour exiger la libération des étudiants (détenus) et parce que nous ne pouvons pas vivre dans une telle violence», a expliqué à l'AFP Maria Correia, une étudiante de 20 ans.

Certains de ces étudiants se sont également plaints que des photos des manifestations ne soient pas visibles sur le réseau social Twitter, accusant l'opérateur public Cantv de les bloquer. Ce dernier a toutefois catégoriquement démenti être à l'origine de ces problèmes.

Ces mobilisations, à Caracas et en province, s'inscrivent dans le cadre du mouvement de protestation anti-gouvernemental lancé il y a une dizaine de jours par des étudiants qui s'insurgent contre la vie chère, l'insécurité et les pénuries dans ce pays pétrolier, qui dispose des plus importantes réserves de la planète.

Le président vénézuélien a tenté de répondre à ces préoccupations en annonçant vendredi soir un plan destiné à lutter contre la violence endémique dans ce pays où le taux d'homicide est l'un des plus élevés du monde. Ce plan prévoit notamment de renforcer les patrouilles de police et le désarmement de la population dans un pays où les armes abondent.

Mercredi, la capitale avait été le théâtre de la plus importante mobilisation contre le président Maduro depuis son élection en avril 2013, qui s'est soldée par trois morts, tués par balles, des dizaines de blessés et une centaine d'interpellations.

Selon le responsable de la Fédération étudiante de l'Université centrale du Venezuela (UCV), Juan Requesens, 60% des étudiants détenus ont toutefois déjà été libérés.

En plus de coups de feu isolé et de jets de pierre, des groupes de manifestants avaient brûlé des pneus ainsi que des véhicules de la police et attaqué le siège d'un ministère, la police répliquant par des jets de gaz lacrymogènes.

De son côté, le président Nicolas Maduro a appelé jeudi soir ses partisans à manifester samedi «pour la paix et contre le fascisme», terme habituellement utilisé par les autorités pour désigner les opposants, accusés par le gouvernement de fomenter les violences pour tenter de provoquer «un coup d'État».

«Crise globale»

Depuis quelques semaines, le gouvernement fait face à une grogne croissante d'une partie de la population dans un contexte de forte inflation (56,3% en 2013), de pénuries récurrentes frappant les denrées alimentaires ou les produits de consommation courante et d'une insécurité que les autorités ne parviennent pas à juguler.

Le mode de protestation étudiant, décidé à obtenir le départ de M. Maduro, bénéficie du soutien de plusieurs opposants mais ne fait pas l'unanimité au sein de la Table de l'unité démocratique (MUD), la principale coalition de l'opposition vénézuélienne.

Sa principale figure, Henrique Capriles, battu d'un cheveu à la présidentielle d'avril dernier par M. Maduro, a lui-même estimé jeudi que «les conditions ne sont pas réunies pour forcer le départ du gouvernement».

La bataille gagne le terrain médiatique 

La plupart des chaînes de télévision vénézuéliennes se sont abstenues ces derniers jours de diffuser les images de ces incidents, craignant visiblement les avertissements du Conseil national des Télécommunications, qui a menacé de sanctions les médias qui feraient «la promotion de la violence».

Jeudi soir, M. Maduro a accusé de «manipulations» certains médias étrangers, parmi lesquels l'Agence France-Presse, et annoncé la suspension de la diffusion de la chaîne de télévision colombienne d'informations NTN24.

Plusieurs organismes internationaux tels que l'ONU ou l'Organisation des États américains (OEA) ont demandé que les responsables des violences soient jugés, tandis que les États-Unis, le Panama ou encore l'Union européenne exprimaient leur «préoccupation».

En revanche, les alliés traditionnels de Caracas dans la région (Cuba, Équateur, Argentine, Bolivie ou encore Nicaragua) ont affiché leur solidarité avec le gouvernement vénézuélien et rejeté la violence.