Le double meurtre d'une ancienne reine de beauté et de son mari au Venezuela a provoqué une forte émotion dans ce pays gangréné par la criminalité, contraignant le président Maduro à s'attaquer à un fléau empoisonnant le quotidien de millions de Vénézuéliens.

Dans un parfum rare d'union sacrée, le président Maduro et son principal opposant, le gouverneur Henrique Capriles, ont participé mercredi à une réunion d'urgence avec une centaine de maires et gouverneurs pour établir un plan d'action contre la violence.

Dans la nuit de lundi à mardi, les corps de l'actrice de télévision Monica Spear Mootz, Miss Venezuela 2004, et de son compagnon Thomas Henry Berry, un homme d'affaires de 39 ans, ont été retrouvés dans leur voiture au bord d'une autoroute dans le nord.

L'actrice de 29 ans est morte après avoir reçu une balle dans le bras droit qui a ensuite traversé son corps. Son époux a reçu trois balles, a précisé sur la chaîne de télévision CNN en espagnol Katty Pulido, l'agente de Mme Spear.

Maya, la petite fille du couple, âgée de cinq ans, a été blessée à la jambe et hospitalisée.

Selon les autorités, une embuscade avait été tendue sur l'autoroute afin de les dépouiller. Cinq personnes ont été arrêtées et interrogées par la police, a indiqué le ministre de l'Intérieur, Miguel Rodriguez.

«J'assume ma responsabilité»

Au cours de la réunion au sommet tenue mercredi, le président Maduro, qui a serré la main de M. Capriles pour la première fois depuis l'élection présidentielle contestée d'avril 2013, a annoncé «un mois d'actions» qui devrait déboucher sur «un plan conjoint et une loi de pacification nationale».

«Personne ne peut rester les bras croisés, le meurtre, la violence, le massacre de cette jeune Vénézuélienne et de son époux est une gifle pour tous, nous devons tous assumer notre responsabilité, j'assume la mienne», a déclaré le président, appelant l'opposition à travailler à ses côtés.

«Nous devons avancer vers la coordination et la centralisation des polices nationales, régionales et municipales», a-t-il notamment affirmé, plaidant également pour le désarmement de la population.

De leur côté, des célébrités du monde du cinéma, du théâtre et de la télévision ont participé mercredi à un rassemblement contre la violence à Caracas.

«Je ne sors plus», témoignait parmi les centaines de manifestants la célèbre actrice vénézuélienne Elba Escobar. «Les mères ne dorment plus, nous passons nos nuits à attendre que nos fils rentrent à la maison».

Jonathan Sabina, un étudiant de 21 ans, expliquait quant à lui qu'il ne sort qu'avec ses amis proches. «Je ne me risque plus à sortir avec des camarades de classe, car on ne connaît jamais vraiment les gens», assure-t-il.

Le Venezuela est l'un des pays les plus violents d'Amérique latine, avec un taux d'homicides compris entre 39 pour 100 000 habitants en 2013 selon le ministère de l'Intérieur et 79 pour 100 000 selon l'ONG Observatoire vénézuélien de la violence (OVV). La plupart des victimes sont de jeunes habitants des quartiers pauvres.

Les quelque 250 millions de dollars octroyés l'année dernière aux forces de police n'ont pas permis d'infléchir ces statistiques alarmantes. Et une évaluation officielle remontant à 2009 évoque la présence dans ce pays de 29 millions d'habitants de neuf à quinze millions d'armes, pour 40 000 permis de port d'armes officiellement accordés...

Thème tabou à l'époque d'Hugo Chavez (1999-2013), qui voyait surtout dans la criminalité la manifestation des inégalités sociales, l'insécurité est devenue une des principales préoccupations des Vénézuéliens ces dernières années.

Dans les quartiers défavorisés des grandes villes, le trafic de drogue, les enlèvements, les vols à main armée et les règlements de comptes ne cessent de pourrir la vie de ses habitants. Petare à Caracas ou La Matica à Los Teques (nord) font partie des zones où les policiers n'osent même plus patrouiller.

Dans la capitale, les habitants quittent les rues dès la nuit tombée, et les bijoux ou tout autre signe extérieur de richesse, jusqu'aux téléphones portables, sont de fait bannis des trottoirs.

«Zéro portable», clamait ainsi à l'AFP Sabina, une jeune habitante de Caracas. «Je ne veux pas qu'on me vole».