Lacir Soares est en train de transformer son exploitation amazonienne en modèle de ferme d'élevage, sans déboiser et en se conformant aux nouvelles exigences du nouveau code forestier brésilien.

Avec un rendement de 2,3 têtes de bétail par hectare, son élevage de Sao Felix do Xingu (État du Para, nord) est la démonstration qu'on peut produire autant, sinon plus, sans abattre une forêt désormais sous surveillance.

Il y a encore une dizaine d'années, l'abattage aux fins d'élevage représentait la première cause de la déforestation de la plus grande zone boisée de la planète.

Fort d'un cheptel de 200 millions de bovins (dont 20% en Amazonie), le Brésil est le premier exportateur mondial de viande bovine, mais est également le plus mauvais élève en matière de rendement, avec une moyenne d'une vache par hectare.

«L'équilibre entre le bétail et la forêt ne représente pas seulement une obligation légale, il garantit aussi une hausse de la productivité», assure Lacir, qui porte bien ses 69 ans malgré la chaleur suffocante.

Aujourd'hui, l'éleveur sait que s'il ne respecte pas le code forestier, les industriels n'achèteront plus sa viande.

La lutte contre les méfaits de l'élevage extensif sur la forêt a pris un tournant décisif il y a quatre ans, lorsque le ministère public de l'État du Para a pointé du doigt treize gros fournisseurs de viande et menacé de procès 72 supermarchés, fabricants de cosmétiques et de chaussures s'ils continuaient à acheter du bétail élevé dans des zones déboisées.

Greenpeace avait alors publié un rapport qui avait fait grand bruit dans lequel l'ONG révélait que la viande et le cuir provenant de champs déboisés se retrouvaient dans les produits proposés par de grandes marques de vêtements, mais aussi par des supermarchés et même sur les sièges de certaines automobiles.

Ces évènements ont conduit ces acteurs économiques à se soucier désormais de la provenance de ces produits, explique à l'AFP le directeur de l'Association brésilienne des exportateurs de viande, Fernando Sampaio.

En outre, les contrôles sont devenus plus efficaces dans cette zone de forêt dense difficilement accessible, avec un recours aux relevés satellites désormais possible en temps réel. Et le Code forestier voté en 2012, qui contraint chaque propriété privée à conserver 80% de forêt, est désormais respecté plus scrupuleusement par les éleveurs.

Le deuxième producteur de viande du Brésil, Marfrig, et le géant des supermarchés Walmart ont même lancé avec l'ONG américaine The Nature Conservancy un programme destiné à faire d'un groupe d'éleveurs de Sao Félix do Xingu un modèle à suivre dans le reste de l'Amazonie. La propriété de Lacir Soares participe au programme.

«Si nous n'avions pas cette attitude, nous ne pourrions peut-être pas vendre sur des marchés tels que le marché européen», où le consommateur se préoccupe du respect de l'environnement, souligne le responsable «développement durable» de Marfrig, Mathias Almeida.

Par exemple, la célèbre marque italienne Gucci a lancé cette année à Paris un sac en cuir d'Amazonie estampillé «développement durable garanti».

Dans ce contexte, la déforestation due à l'élevage bovin a régressé de 80% ces huit dernières années, se félicite le procureur du Para Daniel Azeredo Avelino dans un entretien avec l'AFP.

Regrettant toutefois la résistance «d'une frange de petits» éleveurs, il assure que «la majorité des producteurs ont réalisé que s'ils continuaient à déboiser, ils n'auraient pas accès aux marchés».