La Cour constitutionnelle du Guatemala a annulé pour vice de procédure la condamnation historique de l'ex-dictateur Efrain Rios Montt, premier ancien autocrate latino-américain à avoir été reconnu coupable de génocide, qui sera renvoyé devant la justice.

Le 10 mai, M. Rios Montt, 86 ans, avait été reconnu coupable de génocide et de crime contre l'humanité et condamné à un total de 80 ans de prison (50 pour le premier chef d'accusation, 30 pour le second).

Mais, lundi en fin de journée, Martin Guzman, porte-parole de la Cour constitutionnelle, a annoncé que «le jugement (était) annulé» à la suite d'un recours des avocats de M. Rios Montt pour vice de procédure.

La décision annule toutes les étapes après l'interruption provisoire du procès le 19 avril pour vice de procédure, ainsi que la condamnation prononcée le 10 mai, sans pour autant mettre en cause la justification du procès et les témoignages.

La Cour constitutionnelle renvoie également l'accusé devant le tribunal qui l'a jugé, à une date non définie.

Roberto Molina, un des trois juges de la Cour (sur cinq) en faveur de l'annulation, a expliqué dans la presse locale la décision en disant que «dans tout processus (judiciaire), on doit respecter les droits de la défense», ce qui d'après eux n'a pas été le cas dans ce procès.

Mardi, la défense de M. Rios Mont a également fait part à l'AFP de son intention de le voir comparaître devant d'autres juges que ceux qui ont mené le précédent procès.

«Le procès revient au niveau du 19 avril devant le même tribunal, mais (les juges) doivent se retirer, car ils ont déjà jugé le cas et il faut en nommer de nouveaux», a estimé Me Francisco Palomo, un avocat de l'accusé.

Me Palomo a qualifié d'«impossible» et d'«impensable» que les juges ne se récusent pas. «Nous les récuserons s'ils ne le font pas d'eux-mêmes», a-t-il averti.

Arrivé au pouvoir par un coup d'État en 1982, en pleine guerre civile (1960-1996), M. Rios Montt (1982-1983) est poursuivi pour sa responsabilité dans des massacres ayant causé la mort de 1771 Indiens de l'ethnie maya des Ixiles dans le département de Quiche, dans le nord du Guatemala.

Il a comparu à partir du 19 mars avec son ancien chef du renseignement, Jose Rodriguez, qui, pour sa part, a été acquitté, un jugement toutefois également annulé.

La décision de la Cour constitutionnelle a été saluée par les partisans de l'ancien général, interné depuis une semaine à l'Hôpital Militaire, après avoir passé plus d'un an en résidence surveillée, puis un week-end en prison après sa condamnation.

«Avec cette décision, ce sont tous les Guatémaltèques qui gagnent, car le processus reprend son cours et les juges doivent émettre leurs décisions dans le respect de la Constitution et non pas au nom d'intérêt particuliers, idéologiques, dictés par des consignes internationales», a déclaré Me Moisés Galindo, un autre défenseur de M. Rios Montt.

A l'annonce de la décision de la Cour constitutionnelle, des dizaines de partisans de l'ancien dictateur se sont rassemblés aux abords de l'Hôpital Militaire.

«C'est une bonne nouvelle pour le pays parce que la Cour s'est conformée au droit et demande que la procédure soit respectée», a expliqué Santiago Molina, président d'un organisme patronal.

De son siège à Londres, Amnesty International a dénoncé par la voix de Sebastian Elgueta, enquêteur sur le Guatemala, «un coup dévastateur pour les victimes de graves violations de droits de l'homme» pendant la guerre civile.

«Ce type de décision nous fait apparaître comme un pays attardé, ça crée une image négative. C'est une gifle aux victimes, c'est une gifle à la justice», a commenté de son côté dans les médias le directeur du bureau des droits de l'homme de l'archevêché de la ville de Guatemala, Nery Rodenas.

Cette décision «se concentre sur des éléments procéduraux techniques sans constater de réelle violation des droits fondamentaux de la défense», a estimé dans un communiqué Pascal Paradis, directeur de l'ONG Avocats sans frontières Canada (ASFC), présente au procès.

La présidence de fait de M. Rios Montt a été l'une des périodes les plus sanglantes de la guerre civile au Guatemala, qui a fait selon l'ONU 200 000 morts et disparus en 36 ans.

Sous son régime, l'armée avait suivi une politique de la «terre brûlée» contre les peuples autochtones, les accusant de soutenir les forces rebelles.