L'Agence canadienne de développement international (ACDI) a décidé de retenir les fonds destinés aux nouveaux projets en Haïti, a annoncé récemment à La Presse le ministre de la Coopération internationale, Julian Fantino. Or, de la microfinance à la construction routière en passant par la santé, l'ACDI finance actuellement plusieurs dizaines de projets dans ce pays. Et certains font la différence sur le terrain, affirment trois Québécois responsables d'initiatives financées par Ottawa.

«Parfois, il y a des reculs, mais il y a aussi de belles avancées», affirme Martine Bernier, représentante des projets financés par l'ACDI au Centre de coopération internationale en santé et en développement de Québec. Elle est convaincue que les fonds d'Ottawa font une différence sur le terrain.

«Ce n'est pas un pays facile, Haïti a connu de graves difficultés dans les dernières années», dit-elle. Elle a supervisé pendant huit ans l'instauration d'un vaste programme sur le VIH/sida dans une région du centre d'Haïti. Elle y gère maintenant un plan intégré en santé maternelle.

De plus, à la fin du mois de décembre, Mme Bernier a participé à l'inauguration du premier programme de service ambulancier de cette région. Le Canada a fourni huit ambulances ainsi que du soutien technique.

Le département de l'Artibonite est ainsi devenu le deuxième au pays (après celui de la capitale, Port-au-Prince) à posséder un réseau coordonné d'ambulances. Dirigé par le gouvernement haïtien, ce projet vise à instaurer à long terme un service ambulancier dans tout le pays.

Des vies sauvées

«Lors des deux derniers ouragans, notre travail de restauration des ravines a littéralement sauvé des vies, on l'a constaté de nos propres yeux», affirme de son côté Andrée Gilbert, chargée de projet à OXFAM-Québec.

Cette Québécoise qui a passé plus de 20 ans en Haïti met actuellement la touche finale à cette initiative, dont le coût de 6 millions est financé principalement par l'ACDI. L'objectif était le développement agricole et communautaire, en plus de l'aménagement de trois bassins versants dans les campagnes entourant l'épicentre du terrible séisme de 2010.

L'équivalent de 8 km de canaux d'irrigation et de 7 km de chemins a été construit avec la participation des habitants et des agriculteurs. En étroite collaboration avec les institutions gouvernementales, ce projet a aussi permis la réhabilitation de puits et de sources détruits par le séisme, ainsi que l'établissement de près de 750 poulaillers et la plantation de 23 000 arbres fruitiers, plus du double de ce qui était initialement prévu.

Une grande partie de ce projet d'urgence, réalisé en un an, a été mise en place avec le concours d'organisations haïtiennes et a permis le renforcement des structures locales d'appui.

«Pour qu'un projet d'aide ait des résultats tangibles, il faut travailler autant avec la société civile qu'avec l'État, poursuit Mme Gilbert. Un organisme qui travaille en vase clos - et c'est trop souvent le cas - n'assure jamais la pérennité des acquis.»

Des diplômés à pied d'oeuvre

«L'aide internationale a encore besoin d'évoluer. Elle doit améliorer sa cohérence et sa concertation. Tant le gouvernement haïtien que les partenaires étrangers ont leur responsabilité à cet égard», affirme pour sa part Jean-François Labadie, responsable du projet d'appui au renforcement des capacités en gestion de la santé en Haïti (PARC, mis de l'avant par l'unité de santé internationale de l'Université de Montréal). Lui non plus n'a pas de mal à expliquer comment l'aide canadienne parvient à faire une différence.

Le PARC a par exemple terminé en septembre le transfert à l'Université d'État d'Haïti de la responsabilité du programme d'études supérieures en gestion de la santé mis en place en 2001 grâce à l'ACDI. La plupart des 250 diplômés de ce programme sont aujourd'hui intégrés à la fonction publique. La directrice générale du ministère de la Santé, notamment, en est issue.

M. Labadie précise qu'il est important d'inscrire les projets dans la durée pour assurer de bons résultats. «C'est une des grandes forces de la coopération canadienne que d'appuyer des projets qui se construisent sur 5 ans et même 10 ans.»