La blogueuse dissidente cubaine Yoani Sanchez a été libérée vendredi trente heures après avoir été arrêtée à Bayamo, dans le sud-est de Cuba, où elle venait couvrir le procès vendredi d'un jeune politicien espagnol qui conduisait la voiture dans laquelle est mort cet été le dissident Oswaldo Paya.

«Nous venons d'être libérés ! 30 heures de détention et beaucoup d'anecdotes à raconter», a tweeté vendredi soir la philologue de 37 ans, qui a gagné de nombreux prix internationaux pour son blogue.

«Nous avons été libérés, merci à tous ceux qui ont levé leur voix et leurs tweets pour que nous parvenions à rentrer à la maison», a-t-elle ajouté quelques secondes plus tard.

Figure de proue de la dissidence internet, Yoani Sanchez, qui est également correspondante du quotidien espagnol El Pais, s'était rendue à Bayamo pour couvrir le procès d'Angel Carromero, 26 ans, dirigeant du mouvement de jeunesse du Parti populaire (PP, droite) au pouvoir en Espagne, accusé d'homicide involontaire.

«La blogueuse pro-américaine Yoani Sanchez a été interpellée à Bayamo où elle est venue monter une provocation et un show médiatique afin de perturber le bon déroulement du procès», avait annoncé vendredi le blogueur Yohandry Fontana, qui diffuse officieusement des informations émanant des autorités.

Quelques heures plus tard, le même Yohandry annonçait que Yoani Sanchez et son époux, le journaliste Reinaldo Escobar arrêté avec elle, étaient «transférés vers La Havane par les autorités».

Le département d'État américain avait exprimé sa «profonde préoccupation» face à des «arrestations arbitraires», tandis qu'Amnesty International à Londres et la Société interaméricaine de presse (SIP) à Miami avaient appelé à sa libération.

«Si les autorités cubaines avaient l'intention de minimiser la couverture internationale du procès, elles ont obtenu tout le contraire avec cette arrestation arbitraire», a estimé le président de la commission de la liberté de la presse de la SIP, Gustavo Mohme.

À Bayamo, à 750 km au sud-est de La Havane, Angel Carromero a exprimé vendredi ses regrets quant à l'accident de la voiture qu'il conduisait le 22 juillet, qui a coûté la vie au dissident cubain Oswaldo Paya, 60 ans, prix Sakharov 2002 du Parlement européen, et d'un autre opposant cubain, Harold Cepero, 31 ans.

Le procès, qui s'est achevé en début de soirée, s'est tenu en l'absence d'un autre passager du véhicule sorti indemne de l'accident, le Suédois Aron Modig, 27 ans, président des Jeunesses chrétiennes-démocrates suédoises, qui avait pu regagner son pays le 30 juillet.

À l'issue de l'audience, le tribunal doit rendre son jugement «dans les prochains jours», a indiqué un communiqué des autorités lu au journal télévisé de la soirée. Le parquet a requis sept ans de prison, tandis que la défense a demandé la relaxe de l'Espagnol.

Devant la cour, Angel Carromero a nié l'excès de vitesse : «la dernière fois que j'ai regardé le compteur, je n'étais pas en excès de vitesse, à 80 ou 90 km/heure», a assuré le jeune homme.

Selon l'enquête officielle, le véhicule circulait à grande vitesse à l'entrée d'une zone de travaux, un freinage trop brusque a fait perdre le contrôle au conducteur et la voiture est sortie de la route pour aller violemment heurter un arbre.

La famille d'Oswaldo Paya, dirigeant du Mouvement chrétien Libération, n'a jamais accepté la thèse officielle de l'accident et a affirmé qu'un autre véhicule était impliqué dans la mort du dissident.

Aucun des deux Européens impliqués, venus à Cuba assister Oswaldo Paya dans ses activités d'opposition, n'a fait état de la présence d'une autre voiture au moment de l'accident.