Le sort d'Hugo Chavez est en jeu en fin de semaine. Dimanche, les Vénézuéliens devront choisir s'ils le réélisent comme président ou s'ils préfèrent le candidat de l'opposition, Henrique Capriles. Ce dernier a graduellement réduit son retard dans les sondages et certains le placent même à égalité avec le président. L'opposition aurait ainsi sa première chance depuis 2004 de renverser Chavez.

Hugo Chavez ou Henrique Capriles. Les Vénézuéliens feront face dimanche à un choix clair. Poursuivre la «révolution bolivarienne» - dont le nom vient du libérateur de l'Amérique du Sud au XIXe siècle - avec la menace d'une catastrophe économique. Ou s'engager dans une voie «brésilienne» de développement, mêlant capitalisme et programmes sociaux, avec le risque que derrière Capriles se cache un complot des riches du pays.

La demi-douzaine de politologues consultés par La Presse, qu'ils soient pour ou contre Chavez, prévoient qu'il sera réélu. Il a annoncé qu'il continuerait à transférer des fonds aux «communes populaires» où les décisions sont prises à main levée, ce qui limite d'autant le pouvoir des politiciens régionaux, souvent membres de l'opposition. De son côté, Capriles se présente comme un nouveau Lula da Silva (ex-président brésilien) qui conservera les mesures sociales chavistes tout en s'attaquant au problème de l'insécurité et des pénuries liées aux nationalisations et au contrôle des prix et des devises - qu'il veut abolir. Il veut augmenter les investissements étrangers en provenance de pays capitalistes.

L'élection sera-t-elle entachée de fraude, comme on soupçonne que l'ont été celles de 2004 et de 2006? Certains pensent que oui, parce que les électeurs vénézuéliens doivent certifier leur identité avec une signature et une empreinte digitale avant de voter. Après l'élection de rappel en 2004, les noms des gens qui avaient signé la pétition pour demander cette élection avaient été publiés et une étude américaine a montré que leurs revenus en avaient légèrement souffert.

Ludwig Moreno, radiologue universitaire de Caracas qui a fondé il y a six ans l'ONG Voto limpio (Vote propre), s'inquiète du fait que la technologie d'identification des électeurs a été choisie cette année par une commission électorale «chaviste». «Si la machine a des problèmes, le responsable de chaque bureau de vote décidera s'il faut allonger les heures d'ouverture, dit M. Moreno en entrevue téléphonique. Il se pourrait que les bureaux de quartiers d'opposition ferment plus tôt que les autres.»

«Tout dépendra des fonctionnaires», estime Pedro Rodriguez, qui est membre de l'Association des Vénézuéliens de Québec mais s'exprime en son nom personnel. «S'ils sentent qu'ils peuvent voter pour l'opposition sans risquer de perdre leur emploi, tout est possible.»

Hugo Chavez, le Bolivar du XXIe siècle

Quand il a tenté sans succès un putsch avec des collègues parachutistes en 1992, peu de Vénézuéliens auraient pu penser qu'Hugo Chavez laisserait une marque aussi forte sur le pays et la région. 

Élu président en 1998, l'ex-militaire né en 1954 dans un petit village des Andes a fait adopter une nouvelle Constitution concentrant le pouvoir dans ses mains, et a été réélu deux fois avec plus de 60% des voix. 

Il a également résisté à un putsch militaire appuyé par les États-Unis en 2002, à une grève pétrolière qui a paralysé le pays en 2003 et à une élection de rappel en 2004. 

Un cancer l'a frappé l'an dernier, mais il affirme, sans donner de détails, qu'il est en rémission depuis. Chavez a inventé la «démocratie participative non représentative», explique David Levine, politologue de l'Université du Michigan: pour donner le pouvoir aux pauvres, qui ont peu bénéficié de la richesse pétrolière du pays, il pratique une version politique de la discrimination positive. 

Ses opposants lui reprochent d'avoir utilisé les tribunaux et de contrôler les médias publics pour bâillonner ses opposants. Depuis l'été, par exemple, les murs des édifices publics sont placardés d'affiches électorales pro-Chavez. «Il fait face à une opposition extrêmement violente dans ses attaques», réplique le politologue Steve Ellner. «Les médias de l'opposition, c'est comme Fox News. Ce n'est pas une opposition loyale.»

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Le président sortant Hugo Chavez

Henrique Capriles, le play-boy au coeur d'or

Il a réussi à s'imposer comme candidat unique de l'opposition, une première depuis 1998. Il a commencé 20 points derrière son rival. Il a réduit son retard de moitié, grâce à un marathon qui l'a mené aux quatre coins du pays, pendant que son rival réduisait ses activités à cause de son cancer en rémission. 

Deux sondages placent même les deux candidats à égalité. Petit-fils de réfugiés polonais du régime nazi, Henrique Capriles est un avocat de 39 ans issu d'une famille bourgeoise - la famille de son père possède la plus importante chaîne de cinémas du pays et celle de sa mère a des intérêts médiatiques et agroalimentaires. 

Il a commencé sa carrière politique à 26 ans comme député, puis comme maire d'une ville de banlieue cossue de Caracas, avant d'être élu gouverneur du deuxième État du pays pour la population, Miranda, en 2008, en battant un dauphin d'Hugo Chavez. Steve Ellner, politologue de l'Université de l'Est au Venezuela, admet qu'il a été un gouverneur efficace. 

Il a notamment réorganisé le réseau scolaire et celui de la santé. Il a fait quatre mois de prison en 2004 pour avoir participé à une manifestation devant l'ambassade de Cuba lors du coup d'État antichaviste de 2002 - il affirme qu'il s'y était rendu en tant que maire pour calmer les esprits. Mais pour Steve Ellner, ce n'est que poudre aux yeux: Capriles signifie «un retour au néolibéralisme d'avant 1998».

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L'opposant Henrique Capriles

30 000

C'est le nombre estimé de médecins cubains qui travaillent au Venezuela, en majorité dans les cliniques Mision barrio dentro, établies dans les quartiers populaires. Ce ne sont pas les seuls travailleurs de pays alliés qu'a invités au Venezuela Hugo Chavez.

Des travailleurs chinois (30 000 selon certains quotidiens d'opposition) construisent des maisons et appartements populaires, dans le cadre du programme Mision vivienda. Et d'autres sources avancent que des ouvriers biélorusses et iraniens sont aussi à l'oeuvre pour Mision vivienda.

Le programme de construction de logements par les pauvres, qui comprend aussi des sections où les matériaux de construction sont fournis gratuitement aux ménages pauvres qui veulent s'en construire un, est l'une des pièces maîtresses de la stratégie sociale de Chavez.

Seulement 600 000 nouveaux logements ont été construits - projets privés et de l'État inclus - au Venezuela de 1999 à 2010, un taux plus faible que celui des gouvernements des années 80 et 90, selon plusieurs rapports.

Comme le pays connaît une crise du logement depuis des décennies, Chavez a promis en 2010 de construire 350 000 nouveaux logements dans le cadre de la Mision vivienda.

Trois millions de ménages se sont inscrits sur la liste d'attente.

Il n'y a pour le moment pas de rapport global sur Mision vivienda.