La victoire d'Enrique Peña Nieto lors du scrutin présidentiel est entachée par des soupçons d'achat de votes et de pression sur les électeurs mexicains. Deux entreprises seraient visées: le groupe financier Monex et les supermarchés Soriana.

«Plus les jours passent, plus cette élection prend une tournure sale et illégale.» John Ackerman, sociologue politique de l'Université nationale autonome du Mexique, est catégorique. Le scrutin présidentiel que vient de connaître le pays est entaché par «la plus grande opération d'achat de votes de l'histoire».

Les grands bénéficiaires seraient Enrique Peña Nieto et le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), proclamés vainqueurs dimanche soir. Depuis, une vague de vidéos compromettantes et d'histoires abracadabrantes déferlent sur les réseaux sociaux. Achat de votes en liquide et en nature, vols d'urnes, manque de bulletins dans certains bureaux, menaces de narcotrafiquants, peur de dénoncer les irrégularités, etc.

À la demande d'Andrés Manuel Lopéz Obrador, candidat de la gauche arrivé en deuxième place, l'Institut fédéral électoral (IFE) s'est engagé à recompter 54% des bulletins de vote, un par un. Hier soir, lorsque la majorité des votes avaient été recomptés, le résultat donnait toujours Enrique Peña Nieto président élu du Mexique avec 38% des voix, contre 31% pour Lopéz Obrador.

Il y a six ans, le pays avait déjà connu pareil blocage, lorsque Felipe Calderón l'avait emporté par 0,56% sur ce même Lopéz Obrador, dans une ambiance tout aussi suspicieuse. «À la différence de 2006, les opposants à Lopéz Obrador ont réalisé que l'écart annoncé par les enquêtes d'opinion était de moins en moins important. La fraude principale a eu lieu avant le vote, pas sur la manipulation des chiffres», affirme Ackerman.

Seulement, démontrer la manipulation des électeurs est beaucoup plus compliqué pour mener à l'annulation de l'élection. Selon la loi, il doit être prouvé que 25% des bureaux de vote ont été touchés par des irrégularités graves. Dans le cas d'achat de votes et de pression, cela renvoie aux principes constitutionnels et à l'interprétation des magistrats. La stratégie actuelle d'imposer un second dépouillement pourrait être un moyen de gagner du temps pour l'équipe de Lopéz Obrador. Le temps de rassembler les preuves suffisantes.

Mercredi, dans une interview accordée à la radio MVS, Ricardo Monreal, coordonnateur de campagne du candidat perdant, a présenté des factures qui pourraient prouver que le parti d'Enrique Peña Nieto aurait acheté des votes par l'entremise des comptes bancaires du groupe financier Monex. Quelque 160 millions de pesos (12 millions de dollars) ont été distribués sous forme de cartes, dont les bénéficiaires seraient des opérateurs du PRI, a assuré Ricardo Monreal. Au début de la semaine, les supermarchés Soriana ont été pris d'assaut par des consommateurs armés de cartes prépayées aussi prétendument distribuées par le PRI. Dans les deux cas, Enrique Peña Nieto et les enseignes visées ont réfuté ces accusations. Sur les réseaux sociaux, «monexgate» et «sorianagate» sont les mots-clics les plus utilisés.

Selon John Ackerman, l'équipe de juristes de Lopéz Obrador serait en train de préparer une plainte auprès du Tribunal électoral du pouvoir judiciaire de la fédération (TEPJF). Elle devrait être déposée le 9 juillet. «Tel que je connais les magistrats de ce tribunal, il me semble impossible qu'elle puisse aboutir.» Les résultats définitifs de l'élection mexicaine seront rendus le 6 septembre par le TEPJF.