Le président du Paraguay, l'ancien prêtre catholique Fernando Lugo, a été destitué par le Sénat vendredi, plongeant ce pays d'Amérique du Sud dans une crise politique.

Après un procès rapide de cinq heures, 39 sénateurs ont voté en faveur de la destitution de M. Lugo, tandis que quatre ont voté contre. Deux sénateurs étaient absents. À la suite de cette décision, M. Lugo a été remplacé le jour même par le vice-président Frederico Franco, du Parti libéral radical authentique.

Des dizaines de manifestants sont descendus dans les rues de la capitale, Asuncion, pour dénoncer la procédure de destitution et exprimer leur appui envers Fernando Lugo. La police antiémeute les a repoussés à l'aide de chevaux et de canons à eau.

La chambre basse du Congrès paraguayen avait voté en faveur de la destitution du président jeudi. Le Sénat l'a ensuite jugé pour «malfaisance» dans des fonctions, en lien avec une confrontation violente entre la police et des paysans sans terre qui a fait 17 morts la semaine dernière.

M. Lugo n'a pas assisté au procès. Il a préféré laisser son avocat parler à sa place et regarder les procédures à la télévision au palais présidentiel.

Plusieurs écoles étaient fermées à Asuncion et les magasins du centre-ville ont fermé leurs portes par crainte de troubles.

Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Nicolas Maduro, qui s'est rendu au Paraguay avant le vote dans le cadre d'une mission de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR), a dénoncé «un nouveau type de coup d'État».

«Un acte vraiment honteux a été commis», a déclaré M. Maduro devant les journalistes.

Le Paraguay a une longue histoire d'instabilité politique. Fernando Lugo a été élu il y a quatre ans en promettant d'aider les pauvres, mais les alliés de son gouvernement modéré se sont tour à tour retournés contre lui.

Le procès en destitution de M. Lugo a été en partie motivé par une tentative de la police d'évincer environ 150 paysans sans terre d'une réserve forestière de 2000 hectares appartenant à un politicien du parti Colorado (opposition).

Les défenseurs des paysans affirment que ce politicien s'est servi de son influence politique pour obtenir la terre de l'État il y a plusieurs décennies. Selon eux, cette terre devrait être redistribuée dans le cadre de la réforme agraire.

Six policiers et 11 paysans sont morts dans l'affrontement. Les opposants politiques de M. Lugo lui ont attribué la responsabilité de cette opération qui a mal tourné.

M. Lugo a exprimé ses regrets pour l'affrontement et a accepté la démission de son ministre de l'Intérieur et du chef de la police.

Le président était aussi jugé sur quatre autres accusations. Il était accusé d'avoir autorisé des partis de gauche à organiser une réunion politique dans une base militaire en 2009, d'avoir permis à 3000 squatteurs d'envahir illégalement une ferme de soya appartenant à des Brésiliens, d'avoir échoué à arrêter les membres de l'Armée du peuple paraguayen, un groupe de guérilla, et d'avoir signé un protocole international sans l'avoir soumis au Congrès pour approbation.

Le procès en destitution apparaît comme une issue dramatique pour un président autrefois très populaire, qui a quitté ses fonctions de prêtre pour se porter candidat à la présidence en 2008 dans la foulée des succès des mouvements de gauche dans les autres pays d'Amérique latine. Son mandat devait se terminer en 2013.