Hugo Chavez, figure remuante, intarissable et omniprésente de l'exécutif vénézuélien depuis son arrivée au pouvoir en 1999, s'est radicalement assagi depuis sa première opération d'un cancer il y a un an, qui l'a progressivement contraint à devenir un chef d'État intermittent.

Affaibli par les opérations et les traitements successifs, l'ex-lieutenant-colonel aux discours-fleuves qui jouissait d'un micro ouvert sur les médias d'État a dû apprendre à déléguer et à modérer son hyperactivité.

Depuis le 12 mai et son retour de Cuba - où il a subi une dernière série de séances de radiothérapie après une deuxième opération de son cancer dans la zone pelvienne le 26 février à La Havane -, il a quelque peu accéléré le rythme de ses interventions publiques, mais la métamorphose est consommée.

À 57 ans, il avoue lui-même ne plus être aujourd'hui « le cheval fougueux » qui était capable de parler des heures durant et se faisait fort de répondre en personne à toutes les sollicitations.

« Le changement fondamental ressenti par la population et en particulier par ses opposants se traduit par une sorte de pause, l'omniprésence et l'ubiquité qui a caractérisé son mandat » jusqu'à présent ayant disparu, constate le sociologue Tulio Hernandez, de l'Université Centrale du Venezuela.

Autre changement notable, sa devise « Patrie socialiste ou la mort » a disparu au profit d'une formule plus optimiste: « Nous vivrons et vaincrons ».

Robert Lespinasse, président de la Société vénézuélienne de psychiatrie, interprète ce virage comme l'expression probable d'une « superstition » également perceptible par l'assiduité inédite du président aux offices religieux.

Spiritualité et recours à l'émotionnel

Le point d'orgue de cette spiritualité nouvelle a été atteint en avril, lorsque le président, les larmes aux yeux et la gorge serrée, avait craqué devant les caméras et supplié Dieu de le laisser en vie, car il avait encore « des choses à accomplir ».

Mais cette transformation n'a en revanche pas adouci son verbe, toujours acéré lorsqu'il s'agit de ses opposants, considérés comme des suppôts de la bourgeoisie et du capitalisme.

Ces derniers mois, il s'est plusieurs fois dit certain de sa victoire à la présidentielle et n'a pas hésité à traiter Henrique Capriles, candidat investi par l'opposition, de « médiocre » ou même de « porc ».

« Nous avons affaire à un président un peu plus agressif » qui a recours à « la partie émotionnelle » pour rassembler, une stratégie qui lui a déjà réussi auprès des classes populaires, majoritaires dans le pays, selon le politologue Farith Fraija.

L'ancien remuant chef de file de la gauche radicale latino-américaine a passé la dernière année entre Caracas et La Havane, où il a séjourné plus de 100 jours pour y subir interventions et soins.

Si la nature exacte de ce cancer n'a jamais été révélée, la récidive annoncée en février dernier et la nouvelle opération qui a suivi ont relancé les rumeurs sur son espérance de vie, alors que l'intéressé avait assuré en octobre 2011 qu'il était guéri, quelques mois après son opération du 10 juin à Cuba.

Depuis le début de l'année, Hugo Chavez est très assidu sur Twitter, mais limite ses activités et déplacements au strict minimum, préférant se faire représenter par des fidèles de son gouvernement.

Pour Fraija, cette situation a contraint Hugo Chavez « à s'appuyer » sur ses ministres et les leaders du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV, au pouvoir) pour poursuivre sa révolution socialiste, favorisant l'émergence de « leaders alternatifs » comme le vice-président Elias Jaua ou le chef de la diplomatie Nicolas Maduro.

Toutefois, la désignation d'un successeur n'est officiellement pas à l'ordre du jour et le président sortant, en tête dans les sondages, sera candidat pour un troisième mandat le 7 octobre.