Au lendemain du retour au Panama de l'ex-dictateur Manuel Noriega 22 ans après son renversement, ses victimes promettent de se battre pour qu'il purge en cellule, et non à domicile, la peine de détention à laquelle il a été condamné dans son pays.

Extradé dimanche par la France, l'ancien général, âgé de 77 ans, a été conduit à sa descente d'avion dans la prison d'El Renacer, au cours d'une opération de police qualifiée lundi de «show» et de «plaisanterie» par la presse locale, au regard des moyens logistiques déployés, justifiés par les autorités par d'éventuels risques d'attentat contre le dictateur déchu.

Lundi, le débat s'est aiguisé entre victimes, anciens opposants, analystes et avocats autour de l'avenir de Manuel Noriega, condamné à 60 ans de prison par la justice panaméenne et qui pourrait demander à bénéficier d'une loi permettant aux condamnés âgés de plus de 70 ans de purger leur peine à domicile.

Les victimes du régime de Noriega (1983-1989) ont exigé que les actes de l'ancien dictateur et agent de la CIA, renversé en 1989 par les États-Unis au cours d'une opération militaire et emprisonné plus de 20 ans en Floride puis en France, soient qualifiés de «crimes contre l'humanité» et qu'il accomplisse sa peine en prison.

Manuel Noriega est sous le coup de «trois condamnations (chacune de 20 ans de prison, pour la disparition et le meurtre d'opposants, NDLR) et trois procès sont en cours», a rappelé le procureur Jose Ayu.

Devant la prison, aux côtés d'une douzaine de proches de victimes, Maritza Giroldi, soeur de Moises Giroldi, un militaire abattu pour avoir tenté d'organiser un coup d'État contre Manuel Noriega en 1989, a brandi dimanche soir une pancarte indiquant «Justice! Prison pour l'assassin!»

«Nous ne voulons aucune indulgence, nous voulons qu'il soit traité comme le délinquant qu'il est, sans privilège. Mais je n'ai pas confiance dans la justice panaméenne. Cette époque a été très dure, ils nous ont persécutés. Nous n'avons pas oublié et les nouvelles générations doivent savoir ce qu'il s'est passé», a expliqué lundi à l'AFP Maritza Giroldi.

Analystes, politiques, universitaires et victimes estiment que bien que le Panama soit aujourd'hui un pays bien différent de ce qu'il était il y a 20 ans, entre élections démocratiques et boom économique, le système judiciaire connaît encore des imperfections.

«Il a été condamné aux États-Unis et en France, les dictateurs vont soit en prison, soit au cimetière», a jugé Aurelio Barria, un ancien opposant persécuté, fondateur en 1987 du mouvement Cruzada Civilista.

Roberto Brenes, un entrepreneur également détenu à l'époque, a affirmé que si Manuel «Noriega a payé sa peine pour trafic de drogue, il l'a payée à la communauté internationale, mais à ce pays, il n'a pas payé une minute de prison pour tout ce qu'il a fait. Si nous voulons la justice pour le Panama, nous devons commencer par le mettre en cellule».

La ministre de l'Intérieur Roxana Mendez a assuré lundi que les autorités avaient la responsabilité de «maintenir en bonne santé» en prison l'ancien militaire, mais a dit n'avoir jamais vu dans les prisons panaméennes «un homme d'un âge si avancé».

Une large proportion des 3,4 millions d'habitants du Panama, majoritairement âgés de moins de 27 ans, sont restés indifférents au retour de l'ancien dictateur.

Selon une commission pour la vérité ayant rendu son rapport en 2002, 110 opposants ont disparu sous le régime militaire (1968-1989), durant lequel Manuel Noriega était chef des services de renseignement avant de prendre la tête du pays (1983).