Le président haïtien Michel Martelly a lancé vendredi le processus de rétablissement de l'armée haïtienne conformément à ses promesses électorales, mais en se donnant le temps de gérer les craintes liées aux mauvais souvenirs laissés par l'uniforme.

Après des décennies de troubles politiques et des dizaines de coups d'État, dont certains impliquant les militaires haïtiens, Haïti a dissout son armée en 1995. Depuis 2004, s'est installée la mission de stabilisation de l'ONU, la MINUSTAH, qui a été autorisée à désarmer les milices qui existaient encore.

Le chanteur populaire devenu président a annoncé vendredi, lors d'un discours à Port-au-Prince, la création d'une commission chargée d'écrire en 40 jours la feuille de route de la création de cette nouvelle institution militaire. La commission devra rendre ses conclusions le 1er janvier.

«La commission va travailler dans la sagesse et dans le respect de la constitution en consultant différents secteurs», a promis M. Martelly lors d'une cérémonie à laquelle assistaient le gouvernement et des diplomates étrangers et plusieurs anciens présidents haïtiens.

À Port-au-Prince, observateurs, élus, journalistes et diplomates se demandaient si le président Martelly allait annoncer dès vendredi, comme il avait pu le laisser entendre, le rétablissement de l'armée haïtienne, l'une des promesses phares de sa campagne présidentielle. Ou s'il allait reculer.

Au final, Michel Martelly a décidé de se donner du temps, mais sans reculer. C'est qu'en Haïti, l'opinion est très partagée sur le retour d'une armée.

Beaucoup la considèrent comme un facteur de déstabilisation politique et les militaires comme des faiseurs de coups d'État. Mais dans le même temps, les patrouilles des Casques bleus, qui assurent la sécurité avec la police d'Haïti, sont parfois perçues comme une force d'occupation.

Lors d'une rencontre récente, des diplomates étrangers avaient tenté de convaincre le président de renoncer à ce projet.

«Nous lui avons fait comprendre que la reconstitution de l'armée n'était pas la priorité de la communauté internationale qui se concentre de préférence sur la reconstruction du pays ravagé il y a près de deux ans par un violent séisme», avait confié à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.

Michel Martelly a répondu vendredi à ceux qui craignent qu'une armée, même nouvelle, ne retombe dans les travers de l'histoire.

«Je tiens à rassurer les uns et les autres, les protagonistes comme les adversaires» que l'armée, ainsi rétablie, aura «l'obligation de la participation démocratique», a-t-il assuré.

«L'objectif consiste à reconcevoir l'armée haïtienne, à la réconcilier avec le peuple, avec la modernité démocratique, à déployer une armée du 21e siècle adaptée à nos besoins réels, délestée de toutes les attributions et fonctions répressives et tournée vers le développement national», a-t-il insisté.

«C'est une bonne décision», a réagi le sénateur Youri Latortue, un ancien officier des ex-forces armées. «Il ne s'agit pas de chercher l'avis des autres secteurs sur le retour de l'armée, mais de discuter de la doctrine de la nouvelle force», a prévenu le parlementaire.