En Bolivie, les chutos ont la cote. La vente de ces véhicules volés, provenant principalement des pays voisins, a tourné à plein régime au cours des derniers mois. C'est que le gouvernement d'Evo Morales a adopté une loi controversée pour régulariser les voitures sans papiers, explique notre collaboratrice.

C'est jour de foire à Oruro, ville du sud de la Bolivie. Tandis que les commerçants envahissent la rue principale fermée à la circulation pour l'occasion, les véhicules s'agglutinent dans les rues avoisinantes. Et là, la chasse aux voitures sans papiers est ouverte...

«Ce véhicule avec une plaque d'immatriculation chilienne, c'est sans doute un chuto, lance le colonel de la défense civile Luis Morales en montrant une camionnette blanche. Si c'est le cas, on va lui donner une contravention et lui suggérer de s'inscrire au registre pour légaliser son véhicule», explique-t-il.

Les chutos, mot qui signifie «dénudés» en jargon bolivien, sont des voitures volées ou issues de la contrebande provenant généralement de l'étranger, principalement du Chili. Depuis l'adoption, en juin dernier, d'une loi visant à nationaliser tous les véhicules sans papiers, plus de 128 000 chutos ont été répertoriés en Bolivie. De ce nombre, près de 72 000 ont été légalisés.

Cette mesure fait le bonheur des propriétaires de chutos, qui peuvent dorénavant voyager avec leur véhicule en toute légalité. Mais elle ne fait pas l'unanimité. Les concessionnaires de voitures et les chauffeurs de taxi se plaignent d'une nouvelle concurrence: les Boliviens s'arrachent désormais ces véhicules.

Quant aux pays voisins, ils ne décolèrent pas. «Quand la loi a été annoncée, on a noté une augmentation draconienne du vol d'autos au Chili. On sait que ces voitures volées transportent souvent de la drogue ou de l'argent blanchi», s'inquiète le consul du Chili en Bolivie, Jorge Canelas.

Au Brésil, où on a qualifié la loi du président Evo Morales de «légalisation du vol», les critiques ont été encore plus virulentes. «Le président bolivien encourage ouvertement, et sans consultation, un système qui bénéficie aux criminels et aux voleurs», a dénoncé le ministère des Affaires étrangères.

En réponse à ces critiques, la présidente de la douane nationale de la Bolivie, Marlene Ardaya, soutient que la loi a déjà fait ses preuves: «Nous répondons aux attentes des pays limitrophes. Nous avons déjà bloqué et rendu à leur propriétaire 33 véhicules volés au Chili qui sont entrés en Bolivie après l'adoption de la loi.»

La légalisation des chutos a officiellement pris fin lundi. Elle a permis à l'État d'accumuler plus de 175 millions de dollars américains. Le gouvernement saisit maintenant les véhicules sans papiers qui n'ont pas été enregistrés afin de les rendre à leur propriétaire ou de les utiliser au sein de ses ministères.

Mais les quelque 55 000 propriétaires de chuto qui n'ont pas encore régularisé la situation de leur véhicule n'ont pas dit leur dernier mot: ils somment Evo Morales de prolonger le processus de nationalisation jusqu'au 7 décembre. Sans quoi, ils promettent de bloquer les routes du pays ou de brûler leurs véhicules.