Un juge français a accordé vendredi la libération conditionnelle à Manuel Noriega, mais l'ancien dictateur du Panama demeurera en prison jusqu'à son extradition vers son pays, pour l'heure bloquée par un imbroglio judiciaire, a-t-on appris auprès de ses avocats.

«Le juge de l'application des peines a décidé d'accorder la libération conditionnelle assortie d'une mesure d'extradition à compter du 1er octobre», a déclaré à l'AFP Me Yves Leberquier. «Il restera en prison jusqu'à son extradition, c'est une certitude.»

L'extradition vers le pays d'origine de l'ancien homme fort du Panama, qui fut chassé du pouvoir par une intervention militaire des États-Unis en décembre 1989, est cependant bloquée dans l'immédiat par l'examen en cours, par la justice française, d'une seconde demande d'extradition formulée par Panama City.

M. Noriega a passé ces deux dernières décennies derrière les barreaux: d'abord aux États unis, à Miami, ensuite à Paris, où il purge une peine de sept ans de prison pour blanchiment d'argent.

Il a choisi de ne pas contester l'extradition, car, à 77 ans, il souhaite rentrer dans son pays pour se rapprocher de sa famille.

Pour ses avocats, les conditions de sa libération conditionnelle étaient réunies puisqu'il a effectué plus de la moitié de sa peine française. Le parquet ne s'y était selon eux pas opposé.

Le Panama souhaite l'extradition de son ancien dictateur afin qu'il purge dans son pays plusieurs peines de prison pour des disparitions d'opposants et soit jugé pour d'autres crimes.

Jugée recevable en août 2010 par la cour d'appel de Paris, une première requête d'extradition a reçu en mars 2011 le feu vert de Washington, qui avait livré M. Noriega à Paris en avril 2010. Et le premier ministre François Fillon a pu signer en juillet son décret d'extradition.

Mais la justice française a reçu en janvier par la voie diplomatique une seconde demande d'extradition du Panama, portant sur des crimes distincts imputés au général Noriega.

Et la cour d'appel de Paris s'est refusée le 7 septembre à la déclarer «sans objet». Elle doit être théoriquement examinée le 16 novembre.

Dans l'attente, M. Noriega demeure formellement «sous écrou extraditionnel», ce qui l'empêche théoriquement de sortir de prison pour être extradé dans le cadre de la première demande.

«Toute la question est désormais de savoir si la deuxième demande d'extradition bloque l'exécution de la première», a déclaré Me Leberquier.  «Il n'y a pas de jurisprudence sur cette question.»

Il appartient donc au parquet général -chargé de mettre en oeuvre les décisions d'extradition- de se prononcer.

«Soit le parquet général considère qu'il faut attendre l'issue de la deuxième demande d'extradition. Soit il considère qu'il y a une décision définitive et que l'extradition peut être exécutée», a dit Me Leberquier.

Dans l'immédiat, Antonin Lévy, un autre avocat de M. Noriega, a vu dans la décision du juge de l'application des peines «une très bonne nouvelle».

«C'est un grand pas vers son retour au Panama. Elle va nous donner un bon argument pour obtenir la levée de l'écrou extraditionnel», a estimé Me Lévy.

Une autre solution, font valoir les avocats, serait que le Panama retire la seconde demande d'extradition.

Le gouvernement panaméen a rejeté le 8 septembre la responsabilité de ce blocage sur «le système judiciaire français».