La lutte contre le cancer menée par le président vénézuélien Hugo Chavez n'inquiète pas que son pays mais aussi Cuba, qui reçoit de son allié sud-américain des milliards de dollars en aide économique préférentielle.

Si M. Chavez devait quitter le pouvoir, certains Cubains craignent un retour de la période difficile traversée pendant les années 1990, quand l'effondrement de l'Union soviétique a provoqué des pénuries d'énergie, de nourriture et de médicaments.

«L'issue (des problèmes de santé de Chavez) sera critique pour le gouvernement cubain et sa révolution, a dit Paul Webster Hare, un ancien ambassadeur britannique à Cuba qui enseigne maintenant à l'université de Boston. Si, pour une raison quelconque, Chavez doit démissionner ou qu'il ne peut pas se représenter en 2012, alors ce serait presque le pire scénario imaginable pour le gouvernement cubain.»

Cuba dit avoir saisi les dangers d'une dépendance envers la générosité des autres, expliquant que ses échanges internationaux portent aujourd'hui sur des biens et services au lieu de seulement accepter des dons. Certains experts croient que les liens commerciaux ne s'évaporeraient pas en même temps que M. Chavez et estiment que son éventuelle disparition n'assénerait pas un coup mortel à l'île.

«Les gens prédisent l'effondrement de Cuba depuis longtemps, a rappelé Michael McCarthy, un analyste du Venezuela à l'université Johns Hopkins. Cuba ne s'effondrera pas. Ils ont survécu à des périodes plus difficiles.»

Les liens entre le Venezuela et Cuba se resserrent constamment depuis que M. Chavez, un admirateur de Fidel Castro, a pris le pouvoir en 1999. Le Venezuela fournit quotidiennement à Cuba 100 000 barils de pétrole à un prix d'ami, du carburant qui fait tourner des centrales énergétiques qui assurent ensuite une alimentation électrique relativement fiable.

Pour sa part, Cuba fournit des médecins, des enseignants et des conseillers techniques à son partenaire.

«Le Venezuela contribue environ 5 milliards $ US par année à l'économie cubaine, soit environ la moitié des revenus en liquide de l'économie du pays, a dit M. Hare. Selon la plupart des mesures habituelles, Cuba est un satellite économique du Venezuela.»

D'autres experts rappellent que le nouveau président cubain, Raul Castro, a dévoilé une série de réformes économiques qui visent à augmenter l'autonomie du pays.

«Les Cubains vont de l'avant avec un programme de réformes économiques, peu importe ce qui arrive à Chavez», a dit M. McCarthy.

Mais puisque ces réformes n'en sont encore qu'à leurs premiers balbutiements, les liens avec le Venezuela demeurent cruciaux pour l'économie cubaine. Caracas aide même l'île à devenir le dernier pays de l'hémisphère occidental à être relié au reste du monde par fibre optique; un câble sous-marin d'une valeur de 70 millions $ US arrivé plus tôt cette année devrait rendre la connexion internet cubaine environ 3000 fois plus rapide...

Les Cubains qui se souviennent de l'impact de la disparition de l'URSS s'inquiètent. À cette époque, les tablettes des magasins étaient souvent vides, les rations alimentaires avaient été resserrées, les rues étaient désertées par des véhicules en manque de carburant, les gens faisaient cuire des pelures d'ananas ou buvaient de l'eau sucrée pour s'alimenter, et plusieurs ont perdu du poids ou souffert de carences vitaminiques.

Ces souvenirs expliquent pourquoi plusieurs Cubains ont frissonné quand M. Chavez a annoncé qu'il a été opéré pour une tumeur cancéreuse le 20 juin. Aucun autre détail n'a été rendu public concernant sa santé, ce qui ne fait rien pour calmer les esprits.

«Si quelque chose arrive à Chavez, je ne pense pas que nous en trouverions un autre comme lui», a dit Rafaela Rojas, une employée de bureau de 55 ans.