Une luxueuse propriété aujourd'hui en ruines dans un décor de film d'horreur rappelle aux Panaméens l'époque de pouvoir absolu où l'homme fort de leur pays était Manuel Noriega, censé être extradé de France pour répondre de la disparition d'opposants pendant la dictature (1983-1989).

L'ancienne maison de Noriega installée sur 3200 m2 à Panama, dans un quartier résidentiel huppé, abritait un mini zoo à l'image des propriétés des narcotrafiquants colombiens, et un gigantesque coffre-fort où l'ancien dictateur cachait des millions de dollars, francs, livres sterling et autres devises exotiques.

Mais elle n'a jamais trouvé acquéreur depuis que le général s'est rendu à l'armée américaine en 1989, avant d'être condamné à vingt ans de prison à Miami pour trafic de drogues vers les États-Unis. Après avoir purgé sa peine, Noriega a été extradé en France où il est actuellement détenu pour blanchiment d'argent.

«Ils organisaient des fêtes et beaucoup de gens venaient, des étrangers, on voyait beaucoup de voitures sous haute sécurité», a raconté à l'AFP Edwin Chavez, voisin de Noriega qui se rappelle avoir connu un Noël les trois filles du général, Lorena, Sandra et Thaïs.

C'était l'époque où la maison, d'une valeur de 2,5 millions de dollars, brillait de mille feux avec son casino privé, sa gigantesque piste de danse, ses cages renfermant paons, cerfs, guacamayas - grands perroquets multicolores.

«C'est le pouvoir. Quand on apporte la lumière, ça se remplit d'insectes», a déclaré pour sa part à l'AFP Ruben Arosemena, un autre voisin, qui toutefois n'a pas de mauvais souvenirs du général, âgé de 77 ans.

Paris s'apprête à prendre un décret pour extrader l'ancien dictateur, mais aucune date n'est encore fixée. Le gouvernement panaméen avait demandé cette extradition afin qu'il purge au Panama une peine de vingt ans de prison pour la disparition en 1985 d'Hugo Spadafora, un opposant au régime militaire d'alors.

Deux autres demandes d'extradition ont été faites pour d'autres opposants.

La maison de Noriega était digne d'un roman inspiré du «réalisme magique» latino-américain, avec ses fontaines, ses statues, sa flore tropicale. Aujourd'hui, il ne reste que des bouts de verre, des meubles détruits, de la broussaille, des cadenas rouillés et des sculptures endommagées.

«Tout ce qu'il avait chez lui a été dilapidé et volé après l'invasion» américaine qui a suivi l'annulation d'une élection par Noriega en 1989, a expliqué à l'AFP l'avocat de Noriega au Panama, Julio Berrios.

L'ex-maison de Noriega est protégée par une muraille, et une petite plaque portant le nom du général à côté d'un lugubre portail en fer noir. Au-dessus, un panneau aposé par la suite: «propriété de l'État. Ne pas entrer sous peine d'amendes».

La maison a été saisie par l'État panaméen après l'invasion américaine et plusieurs gouvernements ont ensuite tenté de la vendre aux enchères. En vain. Une nouvelle tentative est prévue en août.

À l'intérieur: un nombre incalculable de chambres poussiéreuses. Au rez-de-chaussée, un hall, la cuisine et une piste de danse digne d'une discothèque. Au premier étage, la grande chambre de Noriega et de son épouse, Felicidad Sieiro, les chambres de ses filles et la bibliothèque, d'où partait l'escalier menant au casino au troisième étage. Une table de Black Jack est encore conservée.

Le jardin dévoile les restes de cages du zoo, des statues, un pont en pierre et une autre maison, apparemment destinée aux jeux d'une des filles de l'ex-dictateur.