Entre les cellules où s'entassent des gardés-à-vue et les «services de la circulation», le commissariat de Pétionville distribue depuis une semaine les cartes d'identité qui vont permettre aux Haïtiens d'aller voter aux élections du 28 novembre.

Vendredi matin, près de 200 personnes faisaient la queue, en ligne, sous le soleil de cette banlieue de Port-au-Prince. La carte va leur permettre de voter mais aussi de remplir des tâches quotidiennes comme faire des retraits à la banque. Mais avant de l'obtenir, certains vont devoir attendre dix heures...

Venante Pierre, l'une des premières dans la file d'attente, est arrivée à 05h30 à la recherche du précieux sésame. «Je suis venue pour avoir le droit de voter mais aussi pour pouvoir aller à la poste et obtenir mon passeport», dit, sous son chapeau de paille, cette jolie étudiante en informatique de 32 ans.

«Beaucoup de gens ne vont pas voter parce qu'ils ne savent pas qui sont les candidats et à quoi ça sert. Pour moi c'est important», affirme-t-elle. «Le pays a besoin d'un président, de députés, de sénateurs. Voter, c'est un droit civique», insiste la jeune femme au regard malicieux.

À côté d'elle, Wender Raymond, 19 ans, vient chercher sa carte d'identité pour la première fois. «Voter, c'est un droit, une obligation. Ca faisait longtemps que j'avais envie de voter mais je n'avais pas encore l'âge», dit le jeune homme vêtu d'une chemise à carreaux bleus et blancs.

Beaucoup plus loin dans la file, Nadège Lavenal, 28 ans, se prépare à une longue attente. Elle a perdu sa carte pendant le séisme. C'est la quatrième fois qu'elle vient: «à chaque fois ils ne l'avaient pas. Et sans carte, je ne peux pas aller à la banque», dit-elle.

La longue file d'attente s'étire devant la place Saint-Pierre où des milliers d'Haïtiens vivent sous des bâches de fortune depuis le séisme dévastateur du 12 janvier. Les affiches en couleurs des candidats collées sur les portes des toilettes témoignent de l'élection qui approche.

Les scrutins présidentiels et législatifs doivent se tenir le 28 novembre 2010 pour le premier tour et le 16 janvier 2011 pour le deuxième tour.

Pour être prêt à temps, une campagne de distribution massive de cartes a été lancée officiellement le 8 novembre dans le département de la capitale. Et, à Pétionville, pour faire face à l'afflux, les cartes sont distribuées au commissariat depuis lundi.

«Avant, ça se passait ailleurs mais comme il n'y avait pas de policiers, il y avait des bousculades. Pour aller plus vite, vu que l'élection approche, on a rapatrié l'essentiel ici», précise le policier Clarel Jabouin.

Jeudi, 291 cartes d'identité ont été remises. «La foule grossit à cause de l'élection mais il y avait déjà du monde il y a quelques mois», quand les opérations se déroulaient à l'office d'assurance des véhicules, explique Jean Kenol Exophe, responsable locale de l'office national d'identification.

Cette semaine, des habitants ont dû attendre jusqu'à dix heures, rapporte vendredi le quotidien national Le Nouvelliste. «C'est inacceptable qu'un seul centre de distribution soit installé à Piétonville où vit un million d'habitants», dénonce dans le journal le candidat au Sénat Steven Benoît.

Après trois heures d'attente, lasse, l'étudiante en informatique Venante Pierre n'a finalement pas obtenu sa carte. «Ils ne l'ont pas reçue. Je reviendrai le 25. S'ils ne l'ont toujours pas, je ne pourrai pas voter», dit-elle. «Ce serait regrettable».