Si la tendance se maintient, comme le veut la formule consacrée, le prochain président du Brésil sera une présidente. À deux jours du second tour aux présidentielles brésiliennes, Dilma Rousseff est en bonne voie de prendre la succession de l'illustre et toujours bien aimé président sortant, Luiz Inacio Lula da Silva.

Il y a Dilma, il y a Serra, et il y a Marina Silva. Lors du premier tour des élections présidentielles du Brésil, au début du mois, la chef des Verts avait causé la surprise en finissant troisième avec 20% des voix. Les deux candidats toujours en lice allaient devoir se battre pour récolter l'appui de ces 19 millions d'écolos...

Un mois plus tard, au terme d'une seconde campagne électorale, l'environnement est loin d'avoir occupé le haut du pavé. Ce qui n'a guère surpris Charmaine Levy, «brésilianiste» à l'Université du Québec en Outaouais. «En fait, les gens ont voté pour Marina Silva non pas pour ses idées écolos, mais parce qu'ils n'aimaient pas les deux autres candidats», dit cette analyste qui a séjourné au Brésil pendant la campagne électorale. «C'était un rejet des partis traditionnels.»

Pas facile de parler d'écologie dans un pays enivré par le développement économique, la construction de barrages hydroélctriques et le pavage de nouvelles routes. «Quand on pense au Brésil, on pense à l'Amazonie, mais on oublie que 80% de la population vit dans les villes», dit Mme Levy.

Courtisée par les deux autres protagonistes, Marina Silva a finalement choisi de rester neutre. Une partie de son équipe s'est jointe à José Serra, candidat social-démocrate soutenu par la droite, ancien ministre de la Santé et ancien gouverneur de São Paulo.

Mais cet appui ne devrait pas empêcher Dilma Rousseff, 62 ans, dauphine du président Luiz Inacio Lula da Silva au Parti des travailleurs, de remporter la mise dimanche. Un sondage publié mercredi donnait 49% des appuis à cette ex-ministre de l'Énergie et des Mines, et 38% à José Serra.

Avortement et religion

Malgré son avance, «Dilma», comme elle se fait appeler, a tout de même perdu du terrain au cours des dernières semaines, indique Elizabeth Farias da Silva, professeure à l'Université fédérale de Santa Catarina. «Elle a néanmoins reçu de nombreux appuis influents de la classe moyenne non conservatrice», observe Mme da Silva.

Dans ce pays fortement catholique, les débats sur la question de la décriminalisation de l'avortement ont été relancés par l'Église. «Des évêques et des prêtres ont signé une lettre ouverte disant aux fidèles de ne pas voter pour Dilma, dit Mme Levy. Il y a même un évêque de la région de São Paulo qui a distribué des brochures disant de ne pas voter pour elle parce qu'elle est la candidate de la mort.»

Une campagne qui n'a pas complètement atteint sa cible, puisque les sondages montrent que Dilma bénéficie tout de même de l'appui de 54% des catholiques.

Le programme électoral du Parti des travailleurs prévoit en effet une décriminalisation de l'interruption de grossesse (permise seulement dans certains cas, comme le viol). La polémique a forcé Dilma à s'engager «à ne pas changer la législation actuelle». «Elle est favorable, dit Mme da Silva, mais elle a changé de tactique pour le cacher.»

Ce qui a déçu les féministes du pays. «Dilma n'a jamais été proche des féministes, mais son élection sera un symbole important», dit Charmaine Levy. «Le Brésil est encore fortement influencé par les courants traditionnels, souligne Mme da Silva. Dilma sera probablement plus sensible aux questions qui touchent les femmes.»

Avec AFP