L'ombre des cartels plane sur un nouveau meurtre de journaliste au Mexique: un photographe d'un quotidien de Ciudad Juarez, à la frontière des États-Unis, a été abattu mercredi sur un parking dans sa voiture, à côté de son collègue, grièvement blessé.

Les tueurs, qui n'ont pas été retrouvés, ont tiré sur la voiture des deux collaborateurs du quotidien El Diario De Juarez, sur un parking, tuant sur le coup Luis Carlos Santiago, 21 ans, et blessant grièvement son collègue, hospitalisé avec au moins quatre balles dans le corps.

Le scénario est classique des «contrats» ou des règlements de comptes chez les trafiquants dans la «guerre des cartels» qui a fait 28 000 morts dans le pays ces quatre dernières années, depuis le début de l'administration du président Felipe Calderon.

«Tous deux étaient sortis se restaurer au centre commercial quand ils ont été attaqués», a déclaré à la télévision un responsable de la rédaction du Diario de Juarez, Pedro Torres.

Le quotidien n'avait pas reçu de menaces ces derniers temps, pas plus, à sa connaissance, que les deux photographes, recrutés récemment, a-t-il ajouté.

«Nous avions reçu des menaces il y a longtemps, pas récemment, et il s'était toujours agi de cas isolés», a-t-il encore dit.

Le Mexique est avec les Philippines l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes, souvent victimes collatérales de cette concurrence mortelle entre cartels pour le contrôle du trafic local et de l'approvisionnement de l'énorme marché américain de la drogue.

Ciudad Juarez est la ville la plus meurtrière du pays, à la frontière face à El Paso, au Texas, avec plus de 2600 morts en 2009 et déjà plus de 2000 en 2010.

Soixante-quatre journalistes avaient déjà été tués dans le pays ces 10 dernières années, dont une grande partie par le «crime organisé», et 11 sont toujours portés disparus, selon les chiffres de la Commission mexicaine des droits de l'Homme.

Le rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, a proposé en août dernier à Mexico la mise en place d'une protection spéciale pour la profession.

«La presse (mexicaine) doit bénéficier d'une protection spéciale (...) Les journalistes sont les intermédiaires d'un droit de la société, celui de l'information», a-t-il déclaré devant des sénateurs, selon un document parlementaire.

Au Mexique, «le taux d'impunité est compris entre 90% et 97% dans les affaires de violences contre les journalistes», a-t-il souligné, citant les chiffres de la Commission mexicaine des droits de l'Homme.

Le Comité international pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York a encore rappelé le 8 septembre dernier les risques mortels encourus par les journalistes au Mexique, en particulier dans le nord du pays, près de la frontière.

Les cartels imposent de plus en plus «le silence ou la mort» aux journalistes mexicains, qui sont tués, enlevés, menacés ou corrompus ou s'autocensurent par crainte pour leur vie et celle de leur famille, a souligné le CPJ.