La perspective d'une reprise du dialogue entre l'État colombien et les Farc semble plus que jamais bouchée après la mort de 14 policiers et trois soldats qui va inciter le nouveau président Juan Manuel Santos à renforcer la lutte contre la guérilla, selon les analystes.

Le chef de l'État et les principaux chefs militaires se sont rendus vendredi dans le département de Caqueta, pour «étudier la situation et prendre les mesures nécessaires» après la mort mercredi de 14 policiers dans ce bastion des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

Cette attaque, la plus violente depuis sa prise de fonctions le 7 août, a été suivie le lendemain de deux affrontements avec la plus vieille guérilla du pays qui ont coûté la vie à trois soldats.

Selon le politologue Alfredo Rangel, «ces attaques sont destinées à soutenir la proposition de paix» effectuée par le commandant des Farc Alfonso Cano une semaine avant l'investiture de M. Santos, en forçant l'État à négocier, mais «elles pourraient produire l'effet contraire».

«Le gouvernement et la société attendent la fin des violences et même des gestes de paix, comme la libération des otages, pour entamer un dialogue», estime-t-il.

«Ces dernières attaques démontrent que la logique de la guérilla n'a pas changé et par conséquent la porte va se fermer», ajoute-t-il.

M. Santos, ministre de la Défense de 2006 à 2009, a gagné la présidentielle en promettant de poursuivre la populaire politique de «sécurité démocratique» de son prédécesseur de droite Alvaro Uribe (2002-2010), fondée sur une lutte militaire acharnée contre la Farc et l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste).

Comme ministre, il a porté les coups les plus durs de ces dernières années aux Farc, de la mort du numéro deux de la guérilla, Raul Reyes, dans le bombardement d'un campement en Équateur, à la libération de 15 otages, dont la sénatrice franco-colombienne Ingrid Betancourt.

Néanmoins, depuis son arrivée au pouvoir, M. Santos a assuré que la voie du dialogue «n'est pas fermée», à condition que la guérilla libère ses otages ou encore cesse de recruter des mineurs.

«La position de Santos est clairement de continuer à lutter militairement contre la guérilla. En même temps, il souhaite laisser la porte ouverte à un dialogue sous conditions. Cela prendra du temps et il le sait», analyse Leon Valencia, de l'ONG Nuevo Arcoiris, qui travaille sur le conflit colombien, vieux de près d'un demi-siècle, et milite pour la paix et le développement en Colombie.

«En attendant, la confrontation continue et les Farc chercheront à frapper les forces militaires pour montrer qu'elles restent une menace», poursuit-il. La guérilla compterait 8.000 hommes, selon l'armée.

En outre, M. Valencia pense que la société n'est pas encore prête au dialogue.

«Il faut d'abord créer un climat dans l'opinion publique et faire passer le message que d'éventuelles négociations ne seraient pas comme celles de Caguan», menées de 2000 à 2002 dans le sud du pays, précise-t-il.

Lors de cette ultime tentative de dialogue entre l'État et la guérilla, le président conservateur Andres Pastrana (1998-2002) avait accepté une démilitarisation de la zone, mais la négociation avait échoué et certains Colombiens pensent qu'elle a seulement permis aux Farc de reconstituer leurs forces.