Kingston était en état de siège mardi au lendemain de l'assaut donné contre le fief d'un baron de la drogue en plein coeur de la capitale jamaïcaine, qui a fait au moins 60 morts, des civils pour la plupart, tandis que 211 personnes ont été arrêtées.

Des tirs et des explosions ont retenti mardi à Tivoli Gardens, le quartier du narcotrafiquant présumé Christopher «Dudus» Coke, où ont fleuri les barricades après l'annonce de la signature jeudi d'un mandat d'arrestation le concernant, en vue de son extradition vers les Etats-Unis. Dans la soirée de mardi, celui-ci était toujours en fuite, ont rapporté les autorités.

Les gangs de Kingston ont attaqué commissariats et policiers, amenant le gouvernement à proclamer dimanche l'état d'urgence.

Après avoir donné l'assaut lundi à Tivoli Gardens, policiers et militaires ont pénétré dans le quartier dans la nuit, mais sans parvenir à arrêter «Dudus». D'épaisses colonnes de fumées s'échappaient toujours mardi du quartier, où les militaires en tenue de camouflage passaient d'un bâtiment à l'autre à la recherche du suspect.

«Une cinquantaine» de corps ont été amenés dans la matinée à bord de deux camions à la morgue de l'Hôpital public de Kingston, ont déclaré à l'AFP une brancardière et un infirmier.

Une journaliste de l'AFP a en outre constaté la présence des corps de 12 civils, dont un bébé, tués par balles, dans un troisième camion arrivant à la morgue en provenance de Mountain View, un autre quartier de la ville.

«Le gouvernement regrette profondément la mort de membres des forces de l'ordre et de citoyens honnêtes et innocents qui ont été pris dans les échanges de tirs», a déclaré le Premier ministre Bruce Golding. Il a assuré que les autorités «mettront un terme à l'anarchie et rétabliront l'ordre et le calme».

Auparavant, la police avait fait état de 26 civils tués et 25 blessés lors de l'opération de lundi. Les affrontements ont en outre fait un mort et sept blessés dans les rangs des forces de l'ordre, selon la police, qui a annoncé l'arrestation de 211 personnes, dont quatre femmes.

Au cours des jours précédents, au moins deux autres policiers avaient été tués et six blessés.

Le Premier ministre a toutefois averti que ce bilan officiel allait sans doute s'alourdir, et la police a annoncé dans la soirée de mardi, qu'il y avait aussi eu «plusieurs meurtres» autour de Kingston.

Dans la journée, de brefs combats ont éclaté autour de l'hôpital, dont la police tentait de bloquer l'accès aux gangs venus voir les corps.

La police a conseillé à la population de rester chez elle. «Vous devez vous rendre compte que nous sommes en train de mener une guerre», a déclaré Glenmore Hinds, un responsable de la police.

La décision du gouvernement d'arrêter «Dudus» a provoqué la pire flambée de violences depuis plusieurs années dans cette île pauvre de 2,8 millions d'habitants, où les touristes évitent habituellement Kingston, réputée pour sa violence.

Christopher Coke, 42 ans, est le chef présumé du gang Shower Posse, considéré comme la plus importante organisation de trafic de drogue et d'armes de ce pays anglophone. Il est considéré par Washington comme l'un des plus dangereux narcotrafiquants de la planète, mais passe auprès des défavorisés pour un Robin des bois qui règle les problèmes de la population.

Plusieurs compagnies aériennes ont annulé des vols vers la Jamaïque et certains pays, comme le Royaume-Uni et la Suisse, ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre à Kingston.