La campagne pour les législatives de dimanche en Colombie a été relativement épargnée par la violence mais les dépenses mirifiques de certains candidats font craindre une infiltration par l'argent de narcotrafiquants et paramilitaires, multipliant les risques de fraudes.

La Mission d'observation électorale (MOE), organisation indépendante surveillant le bon déroulement du scrutin, a tiré la sonnette d'alarme récemment, dénonçant les «fleuves d'argent» dont disposeraient certains candidats aux 268 sièges du Sénat et de la Chambre des représentants.

Certains, a indiqué sa directrice Alejandra Barrios à l'AFP, auraient dépensé jusqu'à 3,5 millions de dollars pour une campagne sénatoriale, une somme impossible à rembourser, même en quatre ans, avec le salaire d'un sénateur (environ 11 000 dollars par mois).

D'où viennent ces sommes ?

Selon Claudia Lopez, spécialiste du paramilitarisme et membre de la MOE, la nouvelle tendance pourrait correspondre à «un changement de stratégie des groupes armés et des candidats qui sont leurs alliés».

Lors des deux précédentes élections, en 2002 puis en 2006 nombre de candidats au Congrès étaient soutenus par les Autodéfenses unies de Colombie (AUC, milice d'extrême droite) qui avaient pu faire régner leur loi par la force dans de vastes portions du territoire colombien pendant des années, au point d'imposer des élus.

Quatre ans plus tard, les AUC ont été officiellement dissoutes et plusieurs de leurs chefs extradés vers les États-Unis pour trafic de drogue.

En outre, près de 80 parlementaires sont visés par des enquêtes judiciaires pour leurs liens avec les milices paramilitaires, mais les bandes criminelles qui ont succédé à ces dernières pourraient continuer à peser dans la balance.

«Les paramilitaires et bandes criminelles auraient davantage recours à l'argent pour promouvoir les candidats de leur choix»,  explique Claudia Lopez.

L'argent ainsi distillé - issu notamment des profits tirés du trafic de cocaïne dont la Colombie reste le premier producteur mondial - alimenterait également des fraudes électorales pour favoriser l'un ou l'autre, allant jusqu'à l'achat de votes.

Selon un sondage réalisé par Invamer Gallup en décembre, 7% des Colombiens auraient déjà vendu leur vote pour de l'argent et 22% l'auraient échangé contre des faveurs (travail, matériel de construction, bourses d'études).

«Cette année nous avons reçu des informations faisant état d'achats de voix variant entre 10 et 70 dollars, selon les régions», déclare Alejandra Barrios.

«À Bogota, c'est moins cher que dans le département de Guaviare (est) car là-bas c'est moins peuplé», ajoute la spécialiste, en précisant qu'il y a encore en Colombie une «relation commerciale entre l'électeur et le candidat», s'expliquant par la misère et l'isolement de certains électeurs poussés à voter seulement contre une rétribution financière.

Selon une étude publiée par la MOE dix jours avant le scrutin, le 5 mars, 420 municipalités sur 1100 présenteraient des risques de violence, soit une diminution de 27% par rapport aux élections municipales de l'année 2007.

La guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxiste), compte encore 7 500 combattants selon le ministère de la Défense, mais ses actions sont davantage concentrées dans les zones rurales du sud et de l'est du pays.

En revanche 546 municipalités présentent des risques de fraude électorale, contre 328 en 2007, selon la MOE.