Le Chili a été frappé hier par trois puissantes répliques sismiques, dont une de magnitude 6,8. Concepción, la deuxième ville du pays et la plus touchée par le séisme de la semaine dernière, a encore tremblé. Notre collaboratrice est sur place. Elle nous raconte le calvaire des habitants de cette métropole qui n'est plus que l'ombre d'elle-même.

La ville la plus touchée par le séisme survenu il y a une semaine au Chili commence tout juste à reprendre vie.

Concepción, ville portuaire, centre de l'industrie du bois, deuxième agglomération du Chili avec plus d'un million d'habitants, n'est plus que l'ombre d'elle-même.

 

Son principal port, Talcahuano, à 20 km du centre-ville, est en ruine. Un bateau de pêche trône désormais sur la place principale, image surréaliste des conséquences d'un tsunami qui a détruit toute la côte du centre-sud du Chili.

Dans le centre de Concepción, la plupart des immeubles sont encore debout. Mais pour l'instant seulement. Sur une quinzaine d'édifices majeurs qui se sont fissurés, six sont déjà sur la liste des prochaines démolitions.

«L'un d'eux est le fameux édifice O'Higgins, explique Pablo Becerra, journaliste du quotidien local La Crónica. Après la crise économique mondiale qui a touché la ville, cet édifice devait symboliser la reprise économique de l'agglomération. Beaucoup de sièges sociaux devaient s'y installer...»

Les constructeurs n'ont pas respecté les normes antisismiques. Même constat, beaucoup plus dramatique, pour un immeuble neuf de 15 étages devenu le symbole du tremblement de terre au Chili, où les premières familles venaient d'emménager. Il a aujourd'hui la hauteur d'un immeuble de deux étages; 79 de ses habitants sont sains et saufs, sept corps ont été retrouvés, six sont toujours disparus. Les pompiers continuent de fouiller les gravats.

Non seulement la ville n'est pas près de se relever, mais le pays non plus. Selon la présidente Michelle Bachelet, il faudra trois ou quatre ans pour tout reconstruire. «Cette catastrophe a touché la moitié du territoire et 80% de la population», a-t-elle souligné à l'aéroport de Concepción, jeudi. Elle venait constater l'acheminement de l'aide alimentaire et matérielle vers les zones les plus touchées.

Concepción est la plaque tournante de l'aide humanitaire pour la région du Bío Bío. «Seulement, moi, je n'ai pas encore vu la couleur de l'aide alimentaire», se plaint Margarita, qui a toujours un toit mais qui n'a ni l'eau courante ni l'électricité. Comme elle, les habitants de Concepción sont à bout de nerfs. Outre les répliques, fortes, qui maintiennent les gens dans un état de stress permanent, beaucoup vivent sous des tentes, dans le froid, sans hygiène, parfois sans nourriture. Après la catastrophe, ils ont dû affronter les pillages et l'insécurité. Des gravats jonchent encore les rues, traces des barricades qu'ont montées les gens pour se protéger.

Depuis lundi, la ville est sous couvre-feu, de 18h jusqu'à midi le lendemain. Les militaires sont partout. La nuit, des chars protègent les pompes à essence de possibles pillages. Du jamais vu depuis la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).

Les gens n'ont que six heures pour s'approvisionner dans les trois supermarchés qui ont rouvert récemment - quand ils ont encore de l'argent en poche, puisque aucune banque n'est ouverte.

«En cas d'alerte au tsunami, il me faut la voiture», souligne Mario, qui fait la queue depuis cinq heures devant l'une des trois pompes à essence ouvertes. Des files interminables se multiplient devant tous les magasins qui n'ont pas fermé leurs portes.

«Au moins, il y en a, souligne Bernardo. Tout n'a pas été pillé.» Les téléphones portables sonnent de nouveau, les journaux locaux sont imprimés, certains quartiers ont l'électricité, parfois l'eau. La ville commence tout juste à revivre.