Un ancien archevêque de l'influente Église catholique argentine a été condamné mercredi à huit ans de prison pour abus sexuels sur un séminariste commis alors qu'il était en fonctions, un événement dans un pays qui se dit catholique à 91%.

Mgr Edgardo Storni, 73 ans, plus haute autorité de l'Église dans la province de Santa Fe (nord-est) entre 1984 et 2002, a été condamné à huit ans de prison pour avoir abusé sexuellement en 1992 du séminariste Ruben Descalzo.

La juge, Maria Amalia Mascheroni, a estimé que ces faits étaient «aggravés» par la condition du prélat, supérieur hiérarchique de la victime.

La magistrate a toutefois décidé que l'ancien archevêque, qui avait été inculpé en février 2003, pourrait purger sa peine à son domicile en raison de son âge.

«Il m'a fait entrer dans ses appartements, à la lumière d'une seule lampe», a déclaré à la justice le séminariste. «Nous avons beaucoup parlé et il m'a convaincu de rester. Nous passions la porte lorsqu'il m'a pris dans ses bras», a-t-il dit. «L'étreinte s'est prolongée, il m'a serré contre lui et il m'a embrassé sur le cou».

L'avocat de Mgr Storni, Eduardo Jauchen, qui a immédiatement fait appel, a affirmé qu'«on ne pouvait condamner quelqu'un sur la base de soupçons, de rumeurs ou d'accusations», assurant qu'il n'y avait aucune preuve contre son client. Huit ans «c'est la peine la moins lourde pour abus sexuel aggravé», a-t-il toutefois précisé.

Mgr Storni avait démissionné de son poste en 2002 et envoyé une lettre au pape de l'époque, Jean Paul II, dans laquelle il rejetait toute «culpabilité».

Le scandale avait éclaté en 2000 avec la publication du livre «Notre Sainte Mère», de la journaliste Olga Wornat, qui le dénonçait.

Mgr Storni faisait l'objet d'une enquête interne de l'Église depuis 1994. Sur ordre du Vatican, l'actuel archevêque de San Juan (nord-ouest), José Maria Arancibia, avait mené l'enquête sur des faits présumés commis à Santa Fe et lors de retraites à Calamuchita (Cordoba), examinant les témoignages de plusieurs séminaristes.

L'ancien archevêque, qui s'est toujours déclaré innocent, a pris sa retraite dans une ferme de La Falda, dans la province de Cordoba (nord-ouest), appartenant à l'archevêché de Santa Fe.

L'archevêché de Santa Fe «ne fera aucun commentaire», a déclaré une porte-parole interrogée par l'AFP. Elle a dit ignorer si l'archevêché continuerait à loger Mgr Storni après sa condamnation.

Cette condamnation intervient après celle d'un autre religieux argentin, le très médiatique Julio César Grassi, condamné en juin à 15 ans de prison par un tribunal de la banlieue de Buenos Aires pour avoir abusé d'un mineur dont il était responsable au sein d'une fondation.

Dans les années 90, sa Fondation, «Heureux les enfants», aidait quelque 6.000 enfants et recevait des donations des personnalités du show business et de la politique. Le prêtre s'était rendu à la police en présence de caméras de télévision et était resté en détention plus d'un mois avant d'être relâché.

Quatre prêtres au total ont été condamnés en Argentine à des peines de prison de 8 à 24 ans depuis 2003 pour abus sur mineurs et deux évêques, dont Mgr Storni, ont abandonné leur charge ces dernières années en raison de scandales sexuels.