Faisant le guet de jour comme de nuit dans son quartier de La Havane, Francisca Diaz cherche depuis 49 ans à repérer des voleurs ou des «agents» de «l'impérialisme», dans le cadre de son travail au sein du Comité de Défense de la Révolution cubaine (CDR).

Cette retraitée émaciée de 67 ans, qui montre fièrement son grade de capitaine des forces armées, préside depuis 30 ans un CDR, organisation civile au coeur du dispositif de sécurité du gouvernement communiste, qui a inspiré le Venezuela d'Hugo Chavez et récemment, non sans créer une polémique, l'Équateur de Rafael Correa. Francisca Diaz dit connaître chacun des 104 membres de «son» CDR dans le quartier du Vedado.

«Nous ne sommes pas des délateurs. Mais nous n'allons pas permettre une contre-révolution. Nous disons ce que nous voyons d'anormal», assure-t-elle.

Considérés comme les «yeux et les oreilles de la Révolution» de 1959, les CDR ont été créés en septembre 1960 par Fidel Castro alors que le nouveau pouvoir était confronté à des attaques armées, nombre d'entre elles soutenues par Washington.

Le directeur du Musée des CDR, Pedro Perez, affirme qu'il y a actuellement 8 millions de membres de CDR âgés de plus de 14 ans sur cette île de 11 millions d'habitants...

«Nous avons encore aujourd'hui de petits groupes de mercenaires. Le CDR est là pour prévenir toute tentative d'attenter à la révolution, c'est une organisation démocratique non gouvernementale mais pro-gouvernementale», affirme-t-il.

Sur le «qui-vive» permanent, son slogan, chaque CDR compte un président, un chef de vigilance, un organisateur, un idéologue, qui tous tiennent des fiches détaillées sur leurs membres ou sur les habitants de leur quartier.

Conchita Sanchez, une habitante du quartier âgée de 70 ans, souligne le rôle des CDR dans les campagnes de vaccination et de dons de sang, le travail volontaire, la récupération d'objet pour le recyclage, et l'évacuation de la population en cas d'ouragan.

Mais Jaime, 52 ans, se plaint, lui, des «vérifications de conduite révolutionnaire» effectuées par les institutions d'État auprès des CDR pour embaucher ou promouvoir un employé. «Si le président ou l'idéologue t'aime bien, ça va, sinon tu te fais baiser», dit-il.

Pour le dissident Elizardo Sanchez, qui a passé plusieurs années en prison pour son activité militante, les CDR «sont un instrument massif de violations des droits (...), des auxiliaires de la police et des services secrets».

«J'ai bien peur qu'il en sera ainsi en Equateur», ajoute M. Sanchez, chef de la Commission cubaine pour les droits de l'Homme et la réconciliation nationale, une organisation illégale mais tolérée par le pouvoir cubain.

Investi en août pour son deuxième mandat présidentiel, M. Correa a promis de radicaliser sa «révolution citoyenne» et a annoncé la création de «Comités de défense de la révolution».

Les détracteurs du jeune socialiste l'ont aussitôt accusé de vouloir mettre en place un instrument de répression et de contrôle de l'opposition comme cela a été le cas, selon eux, au Venezuela d'Hugo Chavez, ami et allié de Fidel Castro.

«C'est très bien l'idée de Correa», juge Francisca Diaz, occupée à traquer ces temps-ci les «gaspilleurs» et les «trafiquants» sur ordre du frère et successeur de Fidel, le président Raul Castro.

«Comme je connais tout le monde dans le quartier, non seulement je suis informée s'il y a un agent de la CIA (Centrale de renseignement des États-Unis) ou un petit groupe (d'opposants), mais je repère aussi les trafiquants qui volent l'État», dit-elle.

Mais les petits marchands improvisés, «je ne les touche pas», ajoute-t-elle rapidement après avoir aperçu, du coin de l'oeil, un voisin en train de vendre des fleurs sous le manteau.