L'affaire fait grand bruit en Colombie, où les Autochtones sont régulièrement victimes de la guerre que se livrent l'armée, les guérillas et les paramilitaires: 12 membres de la communauté des Awa, dont cinq enfants, ont été massacrés par dix hommes encagoulés et vêtus de treillis militaires dans une réserve touchée par le trafic de cocaïne, selon les autorités.

D'après les dirigeants indigènes, la tuerie a été perpétrée par dix hommes armés entrés mercredi vers 5h du matin dans deux maisons de la réserve de Gran Rosario, à 80km du port de Tumaco, sur la côté Pacifique. Environ 1500 Autochtones vivent dans cette réserve de l'État de Narino. Le gouverneur de l'État, Antonio Navarro, a déclaré à l'Associated Press que les victimes étaient toutes apparentées. Cinq hommes, deux femmes, deux garçons, deux fillettes et un bébé ont été tués. Deux individus de sexe masculin, un adulte de 20 ans et un enfant de 10 ans, ont, eux, été blessés par les coups de feu mais ont pu fuir.

Aucun massacre de cette ampleur n'avait jamais eu lieu dans l'État de Narino, où vivent quelque 20000 Awa, selon M. Navarro. Plus généralement, les assassinats collectifs sont rares depuis l'arrivée au pouvoir en 2002 du conservateur Alvaro Uribe, qui a notamment obtenu la démobilisation de groupes paramilitaires.

On ne connaît pas pour l'heure l'identité des tueurs, mais d'après leur taille, leurs moustaches et leurs cheveux, il est exclu qu'ils soient autochtones.

D'après le procureur de l'État, Alvaro Lara, les membres du commando auraient demandé une femme appelée «la Matrone», à propos d'une dette supposée. «Quelques secondes plus tard, ils tiraient sur tout ce qui bougeait», a précisé M. Lara.

En février dernier, la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) avait reconnu avoir tué huit Awa dans une autre réserve, proche de celle-ci. Les rebelles leur reprochaient de servir d'informateurs à l'armée régulière colombienne.

La zone où s'est produit ce massacre est couverte de plantations de coca, dont la transformation en cocaïne finance les activités des FARC mais aussi des milices d'extrême-droite, des groupes armés qui portent des uniformes comparables à ceux des tueurs.

La Colombie compte parmi sa population un million d'Autochtones appartenant à plus de 80 communautés différentes. Selon l'Organisation nationale des Colombiens indigènes (ONIC), les Autochtones sont de plus en plus souvent pris dans les feux croisés d'un conflit qui n'est pas le leur.

«Les terres qu'on nous a données sont les plus inhospitalières, et des hommes armés nous les disputent», dénonçait récemment Luis Evelis Andrade, le président de l'ONIC, dans un récent entretien à l'Associated Press. Depuis le début de l'année, au moins 75 Indiens ont trouvé la mort dans ces violences.