La présidente argentine Cristina Kirchner, affaiblie par une déroute électorale et confrontée à une polémique sur les vrais chiffres de la pauvreté, tente de reprendre l'initiative avec un plan de création de 100 000 emplois immédiatement rejeté par l'opposition.

« Nous lançons un plan pour créer 100 000 postes de travail au sein de coopératives, dans des bidonvilles et des quartiers sensibles», a déclaré vendredi Mme Kirchner, debout aux côtés d'une grande photo d'Evita Peron lors d'un discours transmis sur toutes les chaînes de télévision. Tout au long du week-end, l'opposition a dénoncé un plan «clientéliste» ou une simple «opération de communication» destinée à détourner l'attention.

Dans une première étape, a souligné Mme Kirchner, quelque 1,5 milliard de pesos (390 millions de dollars) seront débloqués pour financer des coopératives de chômeurs qui travailleront à améliorer l'infrastructure des quartiers défavorisés.

Cette annonce est intervenue une semaine après que le pape Benoît XVI eut appelé à s'attaquer au «scandale de la pauvreté» en Argentine dans un message à l'occasion de la traditionnelle collecte annuelle organisée par l'Église catholique pour venir en aide aux pauvres.

Les mots du pape, dans un pays catholique à 91%, ont lancé une polémique sur la pauvreté. Pour l'Institut national des statistiques (INDEC), accusé de manipuler ses chiffres, seuls 15% des Argentins sont victimes de ce fléau.

Pour l'institut indépendant Equis, qui vient de publier ses propres données, 30,8 % des Argentins sont pauvres et 10,4% (4,1 millions) ont du mal à se nourrir. L'Observatoire de la dette sociale de l'Université catholique chiffre, pour sa part, les pauvres à 12,5 millions de personnes (34,4% de la population), tandis que 4,5 millions (11,7%) souffrent de malnutrition.

L'Argentine est l'un des principaux producteurs d'aliments (viande et blé notamment) au monde.

Le nouveau plan de Mme Kirchner «vise à donner de l'argent à des organisations amies», a dénoncé le responsable de l'opposition radicale (social-démocrate), Gerardo Morales.

Le député Claudio Lozano (Projet Sud, gauche), auteur d'un projet donnant la priorité aux allocations familiales, a déploré que le gouvernement refuse une mesure de bon sens. «On peut systématiser les allocations familiales», a-t-il plaidé.

Le plan doit être lancé dans la banlieue de Buenos Aires, où habite un tiers du pays et où le mari de la présidente, l'ancien chef d'Etat Nestor Kirchner (2003-2007) a été battu le 28 juin lors d'élections législatives de mi-mandat.

«On nous demande la transparence sur les pauvres et le secret sur les riches», a ironisé Mme Kirchner dans son discours, ajoutant: «au lieu de dresser une liste de pauvres, pourquoi ne pas en dresser une des riches ?».

«Elle et tous ses amis devraient alors y être inclus», a réagi une des dirigeantes de l'opposition, Margarita Stolbizer, député radicale.

Le patrimoine des Kirchner a augmenté de 158% en 2008 selon la déclaration des biens présentée le 3 juillet par la présidente, passant de 17,8 millions de pesos (4,6 millions de dollars) à 46 millions de pesos (12 millions de dollars). Cette augmentation s'explique par les profits réalisés dans la vente de 16 propriétés en Patagonie (Santa Cruz, sud), leur fief.

Après la publication de cette déclaration de revenus, la justice a ouvert une enquête pour savoir si la chef d'État et l'ancien président Nestor Kirchner ne s'étaient pas enrichis illégalement dans l'exercice de leurs fonctions.