Après trois années de tensions, Evo Morales, le premier président d'origine indienne de Bolivie, a le vent en poupe et devrait réussir à faire approuver, dimanche par référendum, une nouvelle Constitution moins libérale et accordant une place inédite aux communautés indigènes.

Le président de gauche, qui a remporté en septembre un référendum confirmant son mandat avec plus de 67% des voix, est optimiste même si la croissance du PIB de 6% en 2008 masque un manque flagrant d'investissements dans les hydrocarbures, la principale richesse de la Bolivie (10 millions d'habitants).

Après ses homologues du Venezuela Hugo Chavez, de l'Equateur Rafael Correa et de Colombie Alvaro Uribe, Evo Morales, un anti-libéral fervent, a décidé de changer sa Constitution trop liée, à ses yeux, au capitalisme et au passé colonial.

Selon les sondages, M. Morales devrait facilement réaliser son rêve dimanche: introduire une nouvelle Constitution plus étatiste et indigéniste, donnant une place prépondérante aux communautés indigènes, majoritaires dans ce pays andin, le plus pauvre d'Amérique du sud.

«Il n'y a pas de doute, le «non» ne peut pas gagner», a affirmé à l'AFP, Hervé Do Alto, spécialiste en sciences politiques de l'Institut d'études andines (IFEA) de La Paz, en relevant «l'absence de mobilisation pendant la campagne électorale et le peu de mobilisation de la population».

Au terme de trois ans d'une crise politico-institutionnelle qui a mené le pays au bord de la guerre civile en septembre 2008, Evo Morales est parvenu in extremis à négocier un compromis avec l'opposition de droite au Congrès (parlement bicaméral).

Le Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti d'Evo Morales, a fait campagne pour le «oui» tandis que le principal parti d'opposition, Podemos (droite) apparaissait divisé, certains de ses membres s'étant entendus avec le gouvernement au Sénat.

Ce n'est plus une Constitution «fondamentaliste» favorable aux aymaras et quechuas (les deux ethnies indigènes de Bolivie), dénoncée par la droite, qui est soumise aux électeurs, mais un texte nationaliste relativement modéré, fruit d'âpres discussions au cours desquelles environ 150 articles ont été modifiés, explique le chercheur.

Les critiques les plus acerbes sont venues des Eglises catholique et protestante, convaincues que Cette constitution ouvrait la voie à une légalisation de l'avortement et au mariage homosexuel.

En outre, la nouvelle Constitution stipule que la Bolivie, actuellement Etat catholique, deviendra «indépendante» des religions. «En fait, ce sera un Etat laïc qui ne dit pas son nom», a noté M. Do Alto.

Evitant une polémique, le gouvernement a décidé que la whipala, le drapeau indigène, deviendrait un symbole mais ne remplacerait pas l'actuel bannière tricolore.

Quant à la réforme agraire, elle fait l'objet d'une question particulière afin de savoir si les propriétés agricoles peuvent atteindre 5.000 ou 10.000 hectares.

Mais l'opposition a gagné sur cette question de la terre puisque la loi sur la taille des exploitations agricoles ne sera pas rétroactive, comme le voulait initialement le gouvernement de gauche.

M. Morales a également accepté de ne pas se représenter à la présidentielle après un possible nouveau mandat entre 2009 et 2014.

Quatre gouverneurs de la région de Santa Cruz (est), le poumon économique du pays, et des régions de Tarija (sud), Chuquisaca (sud) et Beni (nord) continuent leur rébellion. Ces régions n'ont pas obtenu la reconnaissance de leurs statuts d'autonomie votés sans l'accord du gouvernement central.

Pour appliquer la constitution, le parlement devra adopter une centaine de lois à l'issue de débats serrés qui pourraient durer cinq ans selon les spécialistes qui rappellent que l'opposition conservatrice est majoritaire au Sénat.