Boko Haram a lancé lundi un nouveau défi à la coalition internationale qui le combat, poursuivant ses attaques alors même que le Nigeria promet d'en finir en six semaines avec le groupe islamiste pour mener à bien ses élections.

Les insurgés islamistes, qui contrôlent une partie du nord-est du Nigeria où ils ont proclamé un califat, ont lancé lundi une nouvelle attaque contre la ville de Diffa, au Niger, la troisième en quatre jours. Ils ont aussi attaqué un bus dimanche dans l'Extrême-Nord du Cameroun, tuant douze voyageurs.

Malgré l'incapacité de l'armée nigériane à venir à bout de l'insurrection de Boko Haram depuis six ans, le conseiller national à la sécurité du président nigérian, Sambo Dasuki, a affirmé lundi que «tous les camps connus de Boko Haram seront balayés».

Il a obtenu de la commission électorale un report de six semaines des élections présidentielle et législatives, le temps de pacifier le pays. Ces scrutins, initialement prévus le 14 février, ont été repoussés au 28 mars, une date qui «ne sera pas changée à nouveau», a assuré M. Dasuki.

Le Tchad, le Niger, le Nigeria, le Cameroun et le Bénin se sont mis d'accord samedi pour mobiliser 8.700 hommes - soit 1.200 de plus qu'initialement annoncé - dans une force multinationale de lutte contre Boko Haram, alors que le Tchad a déjà lancé ses soldats dans la bataille dans le nord-est du Nigeria.

Après de longs débats, l'Assemblée nationale du Niger a voté lundi à l'unanimité l'engagement de ses troupes dans cette offensive. Quelque 750 militaires seront envoyés au Nigeria, a expliqué un député, qui a requis l'anonymat.

Dans une nouvelle vidéo diffusée lundi, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a ironisé sur cette coalition militaire régionale, lui promettant la défaite.

«Votre alliance ne mènera à rien. Rassemblez toutes vos armes et affrontez-nous. Vous êtes les bienvenus!», a-t-il lancé dans cette vidéo de 28 minutes publiée avec deux autres films sur le site de partage YouTube.

«Vous envoyez 7000 soldats? Pourquoi pas 70 millions? Ce n'est pas beaucoup. (...) Par Allah, c'est peu. Nous allons les capturer un à un», a raillé le chef de Boko Haram.

Les nouvelles vidéos du groupe montrent des images du chef de l'organisation État islamique (EI), Abou Baqr al-Baghdadi, et font référence au puissant califat de Sokoto, établi au XIXe siècle dans une région couvrant le nord de l'actuel Nigeria.

12 civils tués au Cameroun 

Boko Haram, qui affiche sa proximité idéologique avec Al-Qaïda et l'EI, multiplie les raids meurtriers dans les pays voisins, comme au Cameroun et plus récemment au Niger, identifié comme cible mi-janvier par Abubakar Shekau.

Dans la nuit de dimanche à lundi, ses combattants ont mené une attaque d'envergure contre Diffa (sud-est), tentant de prendre d'assaut une prison de la ville, vraisemblablement pour faire évader des insurgés, d'après des sources humanitaires.

«L'attaque a échoué. Les assaillants ont été assez facilement repoussés», a affirmé une de ces sources. Un habitant a vu «des cadavres de combattants de Boko Haram», sans avoir pu les compter.

Lundi après-midi, une nouvelle explosion a secoué un marché de la ville, déjà frappé dimanche, selon des sources humanitaires.

Diffa, capitale provinciale, avait déjà été attaquée vendredi et dimanche par Boko Haram. Les combats se sont déroulés principalement en périphérie de la ville, ainsi qu'à Bosso, une autre bourgade à 100 kilomètres à l'est.

En décembre, le gouvernement nigérien avait annoncé «la plus grande opération militaire jamais montée au Niger» dans la zone de Diffa, afin de sécuriser la longue et poreuse frontière avec le Nigeria. D'après le gouverneur de Diffa, «près de 3000» soldats nigériens sont positionnés «tous les 10 ou 15 km le long de la frontière».

Au Cameroun, Boko Haram a enlevé dimanche 20 passagers d'un bus dans la région de l'Extrême-nord, et exécuté les 12 hommes qui se trouvaient à bord, selon des témoignages concordants recueillis lundi par l'AFP.

«Ils ont tué 12 hommes», et ont relâché huit femmes peu après le rapt qui s'est produit près de la frontière nigériane, a affirmé sous couvert d'anonymat un habitant de la région.

Depuis 2009, l'insurrection de Boko Haram et sa répression ont fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria.

Le Nigeria a déjà par le passé fixé des délais pour se débarrasser de Boko Haram, sans jamais réussir à les respecter.

A la question de savoir si les troupes réussiraient en six semaines ce qu'elles n'ont pu faire en six ans, le conseiller à la sécurité Sambo Dasuki a répondu que même si l'objectif fixé n'était pas atteint, les opérations permettraient d'avoir une situation «sûrement assez propice pour la tenue des élections», sans qu'il y ait besoin d'un nouveau report des scrutins.