La justice sénégalaise a rejeté mercredi pour vice de forme la demande d'extradition en Belgique de l'ancien chef d'État tchadien Hissène Habré, poursuivi pour crimes contre l'humanité et réfugié à Dakar depuis sa chute en 1990, a-t-on appris auprès du ministère de la Justice.

«La Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar a rejeté aujourd'hui la demande d'extradition de Hissène Habré en Belgique. Elle a estimé que la demande de la Belgique n'est pas conforme aux dispositions légales» sénégalaises, a affirmé à l'AFP un haut responsable du ministère.

«La Belgique n'a pas respecté la procédure», a-t-il indiqué sans plus de précision.

Un juge de la Cour d'appel de Dakar, joint par l'AFP, a estimé qu'il y a vice de forme dans la demande formulée par la Belgique, sans non plus préciser lequel.

Reed Brody, avocat membre de Human Rights Watch (HRW) et à la pointe des démarches pour faire juger Hissène Habré, a estimé que «ce n'est pas un refus d'extradition» en tant que tel: la justice sénégalaise «a dit que les Belges n'avaient pas fourni l'original du mandat d'arrêt et d'autres documents».

«C'est un jugement purement technique qui laisse la porte ouverte à une nouvelle demande d'extradition belge», a affirmé M. Brody à l'AFP. «Ce n'est pas un jugement définitif sur le bien-fondé» de la demande, selon lui.

Le chef de l'État sénégalais Abdoulaye Wade avait déclaré le 5 janvier lors d'un entretien à la télévision France 24 et Radio France Internationale (RFI) que Hissène Habré sera «très probablement extradé vers la Belgique».

«Très probablement, Hissène Habré va être envoyé en Belgique. J'ai saisi la Cour d'appel de Dakar d'une demande de la Belgique (...). Si la Cour d'appel le décide, il sera extradé en Belgique», avait-il déclaré.

Le ministère belge des Affaires étrangères avait proposé le 10 juillet qu'Habré soit extradé en Belgique et le gouvernement tchadien avait demandé que l'option belge soit «privilégiée».

M. Habré, qui vit en exil à Dakar depuis sa chute en 1990 après huit ans au pouvoir, est accusé de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture. Le Sénégal, qui avait accepté en 2006 de le juger à la demande de l'Union africaine, n'a jamais organisé le procès.

Le 8 juillet, le gouvernement sénégalais avait annoncé qu'il allait expulser M. Habré au Tchad où il a été condamné à mort par contumace avant de revenir 48 heures plus tard sur sa décision, à la demande de l'ONU.

Abdoulaye Wade a affirmé que le Sénégal n'avait pas refusé de juger Habré, mais ne disposait pas de «juridiction ad hoc» pour le faire et avait donc renoncé à tenir un procès à Dakar.

Hissène Habré avait été renversé par l'actuel président tchadien Idriss Deby Itno qui, après avoir été un de ses proches était entré en rébellion avant de provoquer sa chute.

La Belgique a lancé en septembre 2005 un mandat d'arrêt international contre Hissène Habré pour «violations graves du droit humanitaire international» et fait une demande d'extradition.

Cette procédure se base sur une plainte déposée en 2000 par un Belge d'origine tchadienne, en vertu d'une loi belge dite de «compétence universelle» pour les crimes de droit international qui autorise les tribunaux à se saisir d'un tel dossier dès lors qu'un ou des citoyens de nationalité belge sont concernés ou que l'auteur présumé se trouve sur le territoire belge.