Angoisse, peur, torture psychologique: les deux femmes libérées ce week-end au terme de la plus longue prise d'otages d'humanitaires étrangers au Darfour ont vécu des moments difficiles en plus de 100 jours de captivité.

«Ils nous disaient de nous agenouiller et ils tiraient tout autour de nous», a déclaré dans un entretien à la chaîne publique irlandaise RTE, Sharon Commins, 33 ans. «C'est vraiment terrifiant et on avait toujours peur», a-t-elle ajouté.

La jeune irlandaise et sa collègue Ougandaise Hilda Kawuki, 42 ans, sont arrivées lundi matin à Khartoum après avoir passé 107 jours entre les mains de leurs ravisseurs dans une région reculée du Darfour-Nord. Elles doivent quitter le Soudan pour leur pays respectif au cours de la soirée.

«Nous sommes heureuses d'être ici», a déclaré Sharon Commins, les épaules recouvertes d'une écharpe, à son arrivée tôt lundi sur le tarmac de l'aéroport de Khartoum. «Je suis impatiente de retrouver la famille», a ajouté Hilda Kawuki, dans une brève déclaration avant de passer des tests médicaux.

«Elles vont bien, mais sont épuisées», a indiqué un de leur proche lundi après-midi à Khartoum.

Les deux femmes ont été soumises à des menaces et intimidations répétées, même si la règle officielle des ravisseurs était de ne pas les frapper parce qu'elles étaient des femmes, a expliqué Sharon Commins.

«C'était l'objectif (intimidation) mais comme pour toute règle, il y a des gens qui les respectent plus ou moins», a poursuivi la jeune femme. «Comme dans chaque groupe, certains étaient très méchants et d'autres étaient correctes», a-t-elle souligné.

Au fur et à mesure que le temps passait, l'humeur des ravisseurs se détériorait. «Ils étaient de plus en plus frustrés parce qu'ils devaient payer pour nous nourrir... On n'était jamais certaines de rester en vie», a-t-elle confié.

Mme Commins a évoqué les nombreux faux espoirs «ravageurs» lorsque leurs geôliers leur disaient qu'elles allaient être libérées, les mettaient dans des véhicules puis les ramenaient finalement au point de départ.

Les deux femmes ont finalement été libérées dans la nuit de samedi à dimanche lorsque les ravisseurs ont contacté le bureau de la Croix-Rouge Internationale à Kutum, petite ville du Darfour-Nord, où elles avaient été enlevées le 3 juillet dernier.

«Ce fut une période très difficile», a dit Hilda Kawuki dimanche à une poignée de médias soudanais présents à El-Facher, la capitale du Darfour-Nord, où les deux femmes ont passé la nuit avant de rentrer lundi à Khartoum.

Selon des sources proches du dossier, les deux femmes ont été enlevées par des membres de tribus arabes du Darfour-Nord, mais les autorités soudanaises ont indiqué qu'il s'agissait de bandits provenant de différentes tribus du Darfour sans spécifier.

«En tant que Soudanais, nous considérons comme un scandale que des personnes qui viennent de l'étranger pour nous aider soient punies ou torturées plutôt que d'être honorées et remerciées. Cela est inacceptable», a déclaré lundi le ministre d'État soudanais aux Affaires humanitaires Abdel Baqi Gilani.

Les deux premiers enlèvements d'humanitaires au Darfour, en mars et avril dernier, s'étaient soldés par la libération des otages après trois et 26 jours respectivement. Et les ravisseurs n'avaient pas été jugés.

Les autorités soudanaises ont assuré cette fois-ci que les preneurs d'otage allaient être punis sans donner plus de détails pour l'instant. Deux membres civils de la mission de paix ONU-Union africaine (Minuad) enlevés fin août à Zalingei au Darfour-Ouest, sont encore entre les mains de leurs ravisseurs.