(Nations unies) Malgré la pression internationale pour atténuer leur soutien à Israël, les États-Unis, critiqués de toutes parts, ont de nouveau empêché mardi le Conseil de sécurité de l’ONU d’exiger un cessez-le-feu « immédiat » à Gaza, faisant circuler un texte alternatif sur une éventuelle trêve sous conditions.

Le projet de résolution, qui exigeait « un cessez-le-feu humanitaire immédiat qui doit être respecté par toutes les parties », a recueilli 13 voix pour, une abstention (Royaume-Uni) et une contre, le troisième veto américain depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.

Le veto américain « irresponsable et dangereux » envoie le message qu’Israël peut « continuer à faire n’importe quoi en toute impunité », a fustigé l’ambassadeur palestinien Riyad Mansour.

Le Hamas a aussi dénoncé un « feu vert » à Israël pour commettre « plus de massacres » à Gaza.

« Le message envoyé aujourd’hui à Israël par ce veto est qu’ils peuvent continuer à faire n’importe quoi en toute impunité », a fustigé l’ambassadeur palestinien Riyad Mansour, dénonçant un veto « irresponsable et dangereux » fournissant encore un « bouclier » à Israël.

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L’ambassadeur algérien aux Nations unies Amar Bendjama vote pour approuver la résolution.

« Les erreurs d’aujourd’hui auront un prix pour notre région et notre monde demain […] Comment l’Histoire vous jugera-t-elle ? », a de son côté lancé l’ambassadeur algérien Amar Bendjama, qui travaillait à ce texte depuis plus de trois semaines.  

Le projet algérien s’opposait aussi notamment au « déplacement forcé de la population civile palestinienne », alors qu’Israël a évoqué une évacuation des civils avant une offensive terrestre à Rafah où s’entassent 1,4 million de personnes dans le sud de la bande de Gaza.

Comme de précédents textes fustigés par Israël et les États-Unis, celui de mardi ne condamnait pas l’attaque sans précédent du Hamas du 7 octobre contre Israël qui a entraîné la mort de plus de 1160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, l’armée israélienne a lancé une offensive qui a fait plus de 29 000  morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, et provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire palestinien totalement assiégé.

« Chemin sans retour »

Sans surprise, la Russie et la Chine ont dénoncé le veto américain, mais de nombreux autres membres du Conseil, France, Malte, Slovénie ou Sierra Leone ont également regretté cette décision.

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Linda Thomas-Greenfield

« Le bilan humain et la situation humanitaire à Gaza sont intolérables et les opérations israéliennes doivent cesser », a martelé l’ambassadeur français Nicolas de Rivière.

Une offensive terrestre à Rafah « nous conduirait sur un chemin sans retour », a ajouté son homologue slovène Samuel Zbogar. « Il est de notre devoir de réagir avant de nous réveiller en plein cauchemar ».

Les États-Unis avaient prévenu dès ce week-end que le texte algérien n’était pas acceptable.

« Je comprends le désir du Conseil d’agir de manière urgente […] mais ce désir ne peut pas nous aveugler face à la réalité sur le terrain, et ne peut pas saper la seule voie, je répète, la seule voie menant à une paix durable », a insisté mardi l’ambassadrice américaine à l’ONU Linda Thomas-Greenfield, estimant qu’adopter cette résolution aurait été « irresponsable ».

Premier soutien d’Israël, les États-Unis craignent de mettre à mal des négociations diplomatiques difficiles pour obtenir une trêve incluant une nouvelle libération d’otages.

Dans ce contexte, ils ont fait circuler un projet alternatif de résolution, vu par l’AFP.

Alors qu’ils s’étaient jusqu’ici systématiquement opposés à l’utilisation du terme « cessez-le-feu », mettant leur veto à deux textes en octobre et en décembre, leur version soutient un cessez-le-feu mais pas immédiat, et sous conditions.  

« Pousser à un veto ? »

Faisant échos aux récentes déclarations de Joe Biden, le texte évoque ainsi un « cessez-le-feu temporaire à Gaza dès que ce sera réalisable » et sur la base d’une « formule » incluant la libération de tous les otages.

Le projet américain, sur lequel aucun vote n’est prévu à ce stade, est d’autre part ferme sur Rafah, prévenant qu’« une offensive terrestre d’ampleur ne devrait pas avoir lieu dans les conditions actuelles ».

Mais certains s’interrogent sur l’objectif des États-Unis avec ce texte. « Est-ce qu’ils veulent vraiment cette résolution ou est-ce qu’ils veulent pousser à un veto ? », a noté de manière anonyme une source diplomatique, en référence à la grande probabilité d’un veto russe à un texte produit par les Américains.

Dans tous les cas, ce projet américain « va rendre Israël nerveux », a toutefois commenté pour l’AFP Richard Gowan, analyste à l’International Crisis Group. « Les États-Unis utilisent enfin le Conseil de sécurité comme une plate-forme pour montrer les limites de leur patience face à la campagne israélienne ».  

Le Conseil, largement divisé sur le dossier israélo-palestinien depuis des années, n’a pu adopter depuis le 7 octobre sur ce dossier que deux résolutions, essentiellement humanitaires. Sans grand résultat : l’entrée de l’aide à Gaza reste largement insuffisante.