Les pays membres de l'OTAN - hors États-Unis qui représentent 75% du budget - dépensent toujours moins en matière de défense malgré les promesses d'augmenter ces investissements face à la nouvelle menace russe, indique une étude publiée jeudi.

L'European Leadership Network (ELN) compile les données rendues publiques dans 14 pays membres de l'Alliance atlantique pour 2015 pour vérifier si cela va dans le sens de l'engagement pris il y a six mois d'augmenter les dépenses de défense, pour atteindre 2% du Produit intérieur brut (PIB) en 2024.

Cette décision, prise lors d'un sommet de l'OTAN au Pays de Galles, répondait à «un environnement sécuritaire totalement nouveau, avec la Russie qui agresse l'Ukraine», avait souligné le secrétaire général de l'époque, Anders Fogh Rasmussen. Il s'était félicité d'«une prise de conscience» après à la baisse régulière des budgets de défense dans les pays de l'Alliance.

Mais en 2015, seule l'Estonie est dans les clous, avec un budget défense à 2,05% du PIB, selon l'ELN. Les trois poids lourds européens, Grande-Bretagne, Allemagne et France, voient soit leur budget diminuer, soit rester stable en 2015.

En Grande-Bretagne, le budget des armées devrait atteindre 35,5 milliards de livres (48,4 milliards d'euros) en 2015/2016, à 1,88% du PIB contre 2,07% en 2014, soit le niveau le plus bas depuis 25 ans, selon les chercheurs.

L'Allemagne a établi son budget de défense à 32,26 milliards d'euros en 2015, soit 1,09% du PIB contre 1,14% en 2014 et 1,3% en 2013.

«Ceci pose la question de savoir si l'Allemagne pourra contribuer aux besoins généraux de l'OTAN en matière de défense», écrivent les chercheurs Denitsa Raynova et Ian Kearns, qui pointent «des problèmes techniques et un manque de personnel qualifié».

Le budget français, de 31,4 milliards d'euros, représente 1,5% du PIB (1,8% si on y inclut les retraites) comme l'année précédente, et «la position budgétaire» actuelle du pays n'incite guère à tabler sur un rebond des dépenses, relève la note.

«Cela entraîne un sous-financement dangereux de projets d'équipements et d'infrastructures et est préjudiciable à ce qui reste du pilier européen de l'OTAN», jugent les chercheurs.

«Je comprends que les dépenses de défense aient été fortement réduites après la Guerre froide», a commenté le secrétaire général de l'Alliance Jens Stoltenberg, en déplacement à Rome. «C'était le dividende de la paix dont tous les pays ont voulu profiter. Et puis il y a eu la crise financière», a-t-il souligné.

«Mais le monde a changé. Il y a de nouveau défis, à l'est avec une Russie plus péremptoire et au sud avec de la violence et de l'instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord», a-t-il fait valoir.

Les pays baltes et la Pologne, anciens satellites soviétiques, de loin les plus inquiets en Europe devant les menées russes, sont les plus volontaires, tout comme la Norvège et la Roumanie, dont les budgets progressent.

Les Pays-Bas, endeuillés par la mort de 193 Néerlandais dans l'écrasement d'un avion abattu cet été au-dessus de l'est séparatiste de l'Ukraine, vont «pour la première fois en dix ans dépenser plus, et non moins», notent les chercheurs.

En revanche, le Canada (1% du PIB) ou l'Italie, qui a annoncé un milliard d'euros d'économies dans ses dépenses, mais aussi la Bulgarie et la Hongrie vont encore plus loin dans les coupes. «Certains pays continuent de faire comme si de rien n'était (...) faisant dans certains cas exactement l'opposé de ce que l'Alliance a promis», estiment-ils.

Parmi les 14 pays passés au crible, «aucun» n'a la capacité «de pleinement moderniser ses armées» s'il continue à ce régime, selon les chercheurs qui appellent «à une plus grande coopération en matière de défense».