Trente ans après les accords de Camp David, qui précédèrent la signature de la paix entre Israël et l'Égypte en 1979, de nombreux Égyptiens restent partagés entre indifférence et satisfaction.

C'est le 17 septembre 1978 que le président égyptien Anouar el-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin, sous l'égide du président américain Jimmy Carter, signèrent les accords de camp David, qui aboutirent au premier traité de paix entre l'État hébreu et un pays arabe.

«Les accords de quoi?», «Aucune idée», «Excusez-moi, je n'en connais pas les détails», sont quelques-unes des réponses qui fusent dans les rues du Caire. Beaucoup de personnes interrogées, mal à l'aise, se dérobent aux questions.

Mais alors que les Égyptiens les plus défavorisés ignorent souvent l'existence même de ces accords, les classes plus aisées estiment en général que la fin des guerres contre l'État hébreu, où plus de 20.000 soldats égyptiens ont été tués, fut la bienvenue et créa un climat propice aux affaires.

Les conflits «ont fait souffrir trop de gens», selon Hicham Abdel Aziz, un fonctionnaire de 47 ans.

«Je trouve que c'est une bonne chose parce qu'il n'y a plus de guerres avec Israël. Le plus important est que le pays soit en paix, que l'économie évolue et que le tourisme se développe», estime pour sa part Amr Osmane, un géographe de 44 ans.

En 25 ans, l'Égypte et Israël se sont affrontés cinq fois: pour la première fois en 1948 (guerre israélo-arabe), puis en 1956 lors de la guerre de Suez, en 1967 (guerre des Six Jours), guerre d'usure de 1968 à 1970 et enfin en 1973 (guerre de Kippour).

En novembre 1977, Sadate fit un pas inattendu en se rendant à Jérusalem pour entreprendre des négociations avec les Israéliens, devenant le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle à Israël et à reconnaître son existence.

«Sadate est le seul leader égyptien à avoir compris les mentalités américaine et israélienne. Il a vu loin. On a récupéré toutes nos terres», estime Ibrahim el-Adli, ingénieur de 26 ans.

Le jeune homme faisait allusion à l'un des termes du traité de paix qui permit à l'Égypte de récupérer en 1982 la péninsule du Sinaï (conquise par l'État hébreu en 1967), après un retrait complet de l'armée israélienne.

«Aujourd'hui, les Arabes n'ont plus de direction, d'identité. Ils ne vont rien récupérer avec ou sans guerre. Les Palestiniens ont raté leur chance de reprendre leurs droits», a ajouté M. Adli.

Mais tout le monde n'est pas de son avis. Pour Tarek Khalil, 25 ans, ces accords «n'ont servi à rien. Zéro».

«Ce ne sont pas les accords qui nous ont rendu le Sinaï. Ce sont les guerres avant. Les accords ont juste ouvert le dialogue avec Israël, qui était au point mort», renchérit Ahmed Eissa, un ingénieur de 58 ans.

La normalisation des relations entre Égyptiens et Israéliens n'est en effet que diplomatique et de surface, même si cela n'empêche pas les affaires et le tourisme de prospérer.

«L'Égypte reçoit des touristes d'Israël et des juifs, il n'y a pas de problème parce que ce sont des relations de business. Il n'y a pas de rapport entre la paix et les affaires», lance un jeune homme qui ne souhaite pas révéler son identité.

Israël met toutefois régulièrement en garde ses ressortissants contre le fait de passer leurs vacances dans le Sinaï, confirmant une méfiance qui perdure des deux côtés.

Mais pour beaucoup d'Égyptiens, le plus important reste la paix.

«Je trouve cela très bien. On n'en serait pas là si les guerres avaient continué. Le plus important c'est la paix, avec Israël ou n'importe qui», déclare Hani Salem, un chauffeur de 25 ans.