L'exploitation des gisements de gaz de schiste de la Colombie-Britannique émet 2,5 fois plus de méthane que prévu, selon une nouvelle étude universitaire financée par la Fondation David Suzuki. Mais bonne nouvelle pour les producteurs canadiens, les fuites de méthane sont quatre fois plus importantes aux États-Unis.

« Notre groupe de recherche se spécialise dans la mesure des fuites de méthane dans les différents projets gaziers et pétroliers », explique Emmaline Atherton, étudiante à la maîtrise à l'Université Saint-François-Xavier, en Nouvelle-Écosse, qui est l'auteure principale de l'étude rendue publique hier, qui sera publiée dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics. « La Fondation nous a financés pour que nous appliquions notre technologie aux puits de méthane en Colombie-Britannique. »

Les chercheurs néo-écossais et leur coauteur de la Fondation, John Werring, ont mesuré à l'aide de caméras capables de voir le méthane (CH4), un gaz incolore, les émissions de 1600 puits appartenant à 50 entreprises différentes. Les mesures ont été reprises de trois à six fois. Ils ont calculé qu'il y avait des fuites de 111 800 tonnes de méthane par année dans la région qu'ils ont examinée, qui représente 55 % de la production de la province. Or, les fuites pour toute la province sont évaluées par l'industrie et le gouvernement à 78 000 tonnes de méthane par année.

« C'est une estimation très conservatrice, qui ne tient pas compte des fuites en aval du puits, dans les pipelines et les stations de compression, explique M. Werring, de la Fondation. Les fuites pourraient être de cinq à dix fois plus importantes que ne le pense le gouvernement. Il semble que le gaz de schiste, qui constituera l'essentiel du développement futur, a des fuites plus importantes que les puits de méthane conventionnels. » Ces fuites ne représentent que 0,01 % de la production, selon lui.

Que doivent faire les autorités ? « Mesurer directement les fuites comme nous le faisons, au lieu de s'en tenir à des estimations à partir des mesures du méthane présent dans l'atmosphère, et intervenir auprès des puits ayant des fuites particulièrement élevées, dit M. Werring. L'industrie prétend que c'est trop cher, mais nous n'avons dépensé que 60 000 $ en 12 jours. L'écart entre les émissions officielles et la réalité représente 2 millions de voitures par année, étant donné que le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). »

La Presse a joint l'Association canadienne des producteurs de pétrole, qui n'avait pas encore répondu mardi soir.

Comme le méthane reste beaucoup moins longtemps que le CO2 dans l'atmosphère, son facteur de réchauffement de la planète n'est plus élevé qu'à court terme, mais pas si on le considère sur un siècle. Pourquoi utiliser la puissance relative du méthane à court terme ? « Parce que nous devons agir maintenant pour éviter le pire, dit M. Werring. C'est maintenant qu'il faut couper nos émissions, pas dans 100 ans. »

Depuis 2011, un biologiste de l'Université Cornell, Robert Howarth, a publié plusieurs études dans lesquelles il calcule que le gaz de schiste provoque des émissions tellement plus élevées que les puits conventionnels qu'il contribue davantage à l'effet de serre que le charbon. Qu'en pense Emmaline Atherton ? « Je ne peux me prononcer sur la thèse de Howarth, qui occasionne beaucoup de débats. Mais nos résultats sont plus de quatre fois inférieurs à ce qui a été calculé pour des puits aux États-Unis. Il se pourrait que les producteurs canadiens aient de meilleures pratiques. »

En chiffres

• Le CO2 représente 82 % des gaz à effet de serre émis par l'homme

• Le CHreprésente 9 % des gaz à effet de serre émis par l'homme

• Le CH4 est un gaz à effet de serre 100 fois plus puissant que le CO2 dans les cinq ans après son émission

• Le CO2 reste 10 fois plus longtemps que le CH4 dans l'atmosphère