Deux provinces ont refusé de signer l'entente «cadre» sur la stratégie pancanadienne de lutte contre les effets de serre, mais Justin Trudeau les a prévenues: un prix sur le carbone leur sera imposé malgré tout, comme prévu.

Onze des 13 provinces et territoires canadiens ont apposé leur signature sur le document qui fait office de plan pour réduire les gaz à effet de serre (GES), boudé par la Saskatchewan et le Manitoba pour des raisons différentes. La Colombie-Britannique, qui a fait prolonger le suspense, a fini par donner son aval à la dernière minute, moyennant quelques garanties.

C'est la volonté du gouvernement Trudeau d'imposer un prix plancher sur le carbone dès 2018 qui a créé le plus de tensions. Mais M. Trudeau n'a pas hésité à confirmer qu'Ottawa ira de l'avant, malgré le mécontentement de certains.

«Nous avons besoin de protéger l'environnement pour nos petits enfants, a-t-il signalé. Et les mesures que nous avons annoncées d'amener un prix sur le carbone, à travers le pays, s'il n'y a pas de programme équivalent généré par les provinces, continue à s'appliquer à travers le pays.»

Seul le premier ministre québécois Philippe Couillard manquait à la longue table à la conférence de presse rassemblant M. Trudeau et ses homologues des provinces et territoires, ainsi que les leaders autochtones. Il était retenu à Québec pour la fin de la session parlementaire et n'est arrivé à Ottawa que pour le souper portant sur le financement des soins de santé.

Le premier ministre de la Saskatchewan, placé à quelques sièges de M. Trudeau, a fait craquer le vernis d'unité que ce dernier aurait préféré présenter, en signalant que le président américain désigné Donald Trump, un climatosceptique avéré, n'allait pas mettre en oeuvre un tel plan de lutte contre les changements climatiques.

«Je dis simplement: ne soyons pas naïfs, en tant que Canadiens. Il s'agit non seulement de notre premier partenaire commercial, mais aussi d'un compétiteur pour les investissements, l'énergie, etc. Nous avons besoin d'être compétitifs et c'est l'une de nos préoccupations», a lancé Brad Wall.

M. Trudeau lui a rétorqué du tac au tac: «Je pense que tous les Canadiens savent que la politique climatique du Canada sera fixée par les Canadiens, peu importe qui s'avère être le président des États-Unis.»

Le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, a expliqué son refus de signer par les besoins grandissants en santé de sa province, semblant ainsi rendre conditionnel son appui au document à une hausse des transferts fédéraux en santé.

«J'ai l'obligation, parce qu'il s'agit de la préoccupation première de ma province, de soulever la question. Et je vais continuer de la soulever», a-t-il indiqué en guise de justification.

Mesures

L'une des mesures phares du plan de Justin Trudeau demeure le prix sur le carbone annoncé en octobre, qui sera imposé aux provinces qui n'ont pas déjà en place un système de fixation du prix. Dès 2018, le prix sur la tonne de CO2 sera de 10 $ au minimum, et grimpera de 10 $ annuellement pour atteindre 50 $ en 2022.

Pour faire abaisser le nombre d'émissions de mégatonnes de GES du seuil actuel de 742 à 523 en 2030, Ottawa compte sur un ensemble de mesures, lesquelles étaient pour beaucoup déjà connues.

Selon un graphique offert dans l'entente-cadre, 89 mégatonnes pourront être retranchées du bilan carbone du pays grâce à des mesures déjà annoncées, comme les régulations sur les véhicules lourds et celles sur le méthane, ainsi que des initiatives provinciales.

Un autre 86 mégatonnes sera éliminé grâce à des initiatives contenues dans le cadre pancanadien, comme l'élimination graduelle des centrales au charbon, l'adoption d'un nouveau code du bâtiment, une entente sur l'électrification des transports et la mise en place de nouvelles normes.

Restent donc 44 mégatonnes qui devront être coupées grâce à «des mesures additionnelles» en infrastructure et en technologies vertes, et qui ne sont pas encore précisées.

En journée, la première ministre de Colombie-Britannique, Christy Clark, a joué les trouble-fête en affirmant que le système de plafonnement et d'échange du Québec - et bientôt de l'Ontario - n'était pas équivalent à la taxe carbone de 30$ actuellement en place dans sa province. Elle avait qualifié la situation «d'inéquitable» et avancé que cela pouvait même être néfaste pour l'unité nationale. Elle s'est finalement ralliée, un revirement que Mme Clark a expliqué en affirmant qu'elle avait eu l'assurance que le point serait fait sur l'équivalence des deux systèmes en 2020.

S'exprimant après la conférence de presse conjointe de ses homologues, Philippe Couillard a semblé trouver l'exercice d'équivalence plutôt artificiel. «Il n'y a pas de comparaison possible entre une taxe et une fixation par le marché. Et ça, c'est bien reconnu partout dans le monde. Je pense que c'est un peu une piste latérale qui ne mènera pas à grand-chose. Mais s'il faut faire cette étude, tant mieux. Ça va être intéressant de voir les résultats de ça, mais ça ne nous préoccupe pas.»

Les groupes environnementaux ont accueilli plutôt favorablement le document final, tout en soulignant que beaucoup de travail restait à faire.

«Le cadre annoncé aujourd'hui pointe dans la bonne direction, mais il ne permettra pas de nous libérer suffisamment rapidement des combustibles fossiles et d'éviter des niveaux dangereux de réchauffement, surtout si de nouveaux pipelines de sables bitumineux et d'autres infrastructures polluantes sont construits et polluent pendant des décennies», a signalé Greenpeace dans un communiqué.

Chez Équiterre, on note entre autres que «l'important sera d'assurer une mise en Å"uvre rapide et efficace de ce plan».