Le bris d'un oléoduc près de Santa Barbara, en Californie, pourrait avoir provoqué le déversement de plus de 400 000 litres de pétrole dans la nature, dont une partie importante a fui dans l'océan Pacifique. La marée noire s'étend à proximité du parc national des Îles-Channel et du sanctuaire marin qui les entoure.

Déversement important

L'oléoduc qui a fui mardi longe la côte californienne sous une autoroute. Des 400 000 litres de pétrole qui s'en sont déversés, environ 80 000 auraient atteint l'océan. Cette quantité n'est « pas négligeable », estime Émilien Pelletier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie de l'Université du Québec à Rimouski, qui parle d'un déversement « intermédiaire ». Selon lui, l'accident « relance la question sur la sécurité des oléoducs », notamment en ce qui a trait au temps d'intervention en cas de fuite. Selon l'entreprise Plains All American Pipeline, propriétaire de l'oléoduc, 30 minutes ont été nécessaires pour arrêter l'écoulement.

Des renforts pour le nettoyage

Les 300 personnes travaillant 24 heures sur 24 au nettoyage des berges ont reçu des renforts, et le nombre de bateaux affectés à la récupération du pétrole en mer a été augmenté à 18, hier, après que l'état d'urgence eut été décrété, la veille. Quelque 30 000 litres ont été récupérés jusqu'à maintenant. « En Californie, les eaux sont chaudes, donc la dégradation [du pétrole] par les bactéries sera un peu plus rapide », affirme le professeur Émilien Pelletier, rappelant qu'environ 60 % du pétrole déversé s'évaporera. Du reste, entre 10 et 20 % sera biodégradé et autant sera récupéré, mais il en restera immanquablement dans la nature.

Écosystème exceptionnel

La marée noire qui s'étend maintenant sur 15 kilomètres longe une portion sauvage de la côte de la Californie, dans le nord du canal des îles Channel, une zone de riche biodiversité marine où vivent dauphins, baleines, otaries, phoques, loutres de mer et pélicans, entre autres. Une partie des îles Channel forment d'ailleurs un parc national et les eaux qui l'entourent sont un sanctuaire marin national, classé réserve de la biosphère par l'UNESCO. S'il s'attend à des impacts économiques à court terme, le professeur Émilien Pelletier croit qu'« après un an, il y aura probablement peu d'effets visibles ».

Animaux englués

« Les premières victimes, c'est toujours les oiseaux », lance le professeur Pelletier. Ils se noient, épuisés par leurs efforts pour se sortir du pétrole, ils meurent empoisonnés après avoir tenté de se nettoyer, ou ils succombent à un « stress énorme ». Suivent les mammifères marins, « les dauphins en particulier », qui sont curieux et s'approchent de la marée noire. Les plantes touchées meurent aussi, « mais elles vont retiger ». C'est pourquoi les opérations de nettoyage évitent généralement les marais, car le piétinement « fait entrer le pétrole plus en profondeur », ce qui cause un problème plus important encore.

Infractions multiples

L'oléoduc de 61 centimètres de diamètre à l'origine de la fuite a été construit en 1987 et avait été inspecté avec succès en 2012. Une nouvelle inspection avait eu lieu il y a deux semaines, mais les résultats n'étaient pas encore connus au moment de l'incident. L'entreprise Plains All American Pipeline, dont le siège social est au Texas, a toutefois été sanctionnée 175 fois par les autorités américaines depuis 2006, selon le Los Angeles Times. Les infractions concernaient des pompes défaillantes, de la corrosion et des erreurs humaines. L'entreprise n'a pas évalué pour l'instant la durée et le coût de l'opération de nettoyage.

Souvenir de 1969

Ce déversement ravive en Californie le souvenir de la marée noire de 1969, survenue pratiquement au même endroit. Le bris d'une plateforme de forage au large de Santa Barbara avait provoqué la fuite de 15,9 millions de litres de pétrole brut, ce qui en avait fait à l'époque le plus important déversement en eaux américaines. La marée noire s'était étendue sur des centaines de kilomètres, une cinquantaine de kilomètres de plages avaient été souillées, 3700 oiseaux avaient été tués. Surtout, l'accident avait contribué à la naissance du mouvement environnementaliste américain. L'année suivante, le président Nixon créait l'Agence de protection de l'environnement (EPA).