Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) recommande des «modifications substantielles» au projet de reconstruction de l'échangeur Turcot qui remettent en question tout le concept proposé par le ministère des Transports du Québec (MTQ).

Dans un rapport très critique, le BAPE, présidé par Michel Germain, recommande au MTQ de revoir son projet «dans une approche de partenariat avec les collectivités concernées», sans démolir de logements et sans construire de remblai en milieu résidentiel. 

«Il est important que la reconstruction du complexe Turcot ne soit pas seulement basée sur le maintien de la capacité de l'infrastructure routière, dit le rapport. Elle doit aussi concilier les enjeux de développement durable avec le milieu humain dans lequel elle cohabiterait.»

Le MTQ projetait de reconstruire la moitié des bretelles autoroutières de cet échangeur sur des remblais pouvant atteindre 8 m de hauteur, dont plusieurs en plein secteur résidentiel.

«Dans le secteur résidentiel de Côte-Saint-Paul, densément peuplé, la présence d'un remblai créerait deux enclaves physiques et visuelles, soutient le rapport. À plusieurs reprises en audiences publiques, des appréhensions ont été exprimées, à savoir que le quartier longeant l'A-15, entre l'échangeur Turcot et l'échangeur de La Vérendrye, serait irrémédiablement scindé en deux par le remblai projeté.»

Le BAPE recommande carrément (et c'est la plus grande surprise de ce rapport) de «réexaminer» la possibilité de reconstruire une portion de l'autoroute 15 en tranchée, sur une distance de plusieurs centaines de mètres entre le canal de Lachine et le boulevard de La Vérendrye.

Cette solution avait été proposée des mois avant les audiences du BAPE, qui ont eu lieu aux mois de mai et juin dernier, par l'architecte Pierre Brisset. Pour sa part, Pierre Gauthier, professeur en urbanisme à l'Université Concordia, avait fait valoir que l'effet d'enclavement de ces quartiers, créé lors de la construction de l'échangeur dans les années 60, «pourrait même être atténué si l'A-15 était reconstruite en tranchée».

«Elle aurait l'avantage de permettre un passage de plus au-dessus de la tranchée entre les secteurs résidentiel et industriel/commercial, et créerait un lien visuel, en plus d'atténuer l'effet psychologique de barrière», fait en outre valoir le BAPE dans son rapport.

Le Bureau souligne par ailleurs qu'il «n'est pas possible de souscrire» à la possibilité que des maisons soient expropriées et des logements détruits par la reconstruction de l'échangeur «puisque la construction du complexe a, à l'origine, provoqué des acquisitions importantes qui ont fragmenté l'habitat urbain».

«Le MTQ, estime le BAPE, devrait revoir, en partenariat avec les villes de Montréal et de Westmount, l'administration du centre de santé McGill et les sociétés de transport concernées, la configuration de l'échangeur Turcot dans sa portion nord-est, incluant le futur boulevard Pullman, la rue Saint-Jacques et l'autoroute 720, et les voies d'accès au centre de santé McGill.»

Accent sur les transports collectifs

Le projet du MTQ prévoit la démolition d'environ 170 logements, qui sont situés en majorité au sud de l'autoroute Ville-Marie, dans le secteur de Saint-Henri. Ce quartier, rappelle d'ailleurs le rapport, a été déstructuré par la construction de l'échangeur original, qui avait chassé quelque 6000 personnes de leurs logements dans les années 60.

Enfin, les commissaires du BAPE n'ont pas paru impressionnés par l'aménagement de voies réservées aux autobus au milieu de l'autoroute 20.

«Bien qu'intéressantes, commente le rapport, (les voies réservées) ne constituent qu'une amorce d'un éventuel réseau sur le système autoroutier métropolitain. Qui plus est, elles n'ont pas encore fait l'objet d'une conception préliminaire.»

Le BAPE recommande ainsi que «l'opportunité de les prolonger vers le centre-ville de Montréal, sur l'autoroute 720, mais sans y ajouter de nouvelle voie», soit examinée, afin de créer un couloir complet de transports collectifs entre l'ouest de l'île et le centre-ville.

Mince consolation pour le MTQ, le rapport du BAPE établit clairement que la reconstruction de l'échangeur Turcot est nécessaire, même si le projet, lui, doit être revu en profondeur

De plus, le BAPE estime que cette infrastructure autoroutière «devrait conserver sa capacité actuelle pour répondre à plus long terme aux besoins en mobilité de la région métropolitaine».

Le BAPE écarte ainsi implicitement les propositions des écologistes, qui souhaitaient qu'une partie des voies de l'autoroute soient soustraites au trafic automobile, et réservées exclusivement aux transports collectifs.