Avec le concours de deux experts, Denis Leclerc, psychoéducateur et conseiller en prévention de la violence à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, et Pierrette Verlaans, de l'Université de Sherbrooke, nous avons tenté de décortiquer la mécanique de l'intimidation.L'intimidation, c'est quoi?

C'est un abus de pouvoir entre deux élèves, dont l'un a l'intention de blesser ou de nuire à l'autre. L'agression peut être physique ou psychologique.

Qui y participe?

L'élève qui prend l'initiative de l'intimidation, le leader. Ses «acolytes», souvent deux ou trois amis proches, qui embarquent tout de suite dans la danse. Et aussi, les témoins : les autres enfants qui regardent, qui rient ou détournent le regard parce qu'ils ont peur d'intervenir font aussi partie de la mécanique de l'intimidation.

Qui peut en être victime?

Les enfants avec des différences ou des troubles d'apprentissages sont souvent les victimes toutes désignées, mais parfois les enfants qui subissent l'intimidation n'ont aucun «signe particulier», sinon certaines lacunes dans leurs habiletés sociales. Il y a deux types de victimes. La victime passive : l'enfant anxieux, solitaire, timide, qui ne provoque pas et ne se défend pas. Et aussi la victime plus provocatrice, l'enfant, agressif, impulsif, qui agace les autres.

Quels enfants peuvent se livrer à l'intimidation?

Les filles et les garçons peuvent adopter des comportements d'intimidation, dont la nature diffère. Les garçons font plus d'intimidation directe (donner des coups, pousser). Les filles, elles, choisissent davantage l'intimidation indirecte (rumeurs, ostracisme, isolement). Les enfants qui intimident ne sont pas toujours les costauds de la cour d'école. Chose certaine, l'enfant harceleur manque généralement d'empathie envers les autres.

À quel âge a lieu l'intimidation?

Le plus souvent entre 10 et 14 ans, sauf pour l'intimidation à caractère homophobe, qui peut durer plus longtemps. La plupart du temps, vers 16 ou 17 ans, les comportements des jeunes harceleurs sont jugés plus sévèrement par les autres élèves.

Comment savoir qu'un jeune est intimidé?

Le mot-clé est «changement». Si on remarque une modification dans l'humeur ou dans les comportements du jeune, il faut être attentif. Anxiété, peur, méfiance, démotivation ou déprime soudaine devraient faire sonner un signal d'alarme. Si un jeune ne veut plus aller à l'école, est souvent seul, évite certains endroits, planifie ses déplacements de façon illogique ou perd des objets personnels, il faut s'inquiéter, il est peut-être une victime. De même, un jeune qui banalise l'usage de la violence, se met facilement en colère, défie l'autorité, est intolérant face aux différences ou a soudainement des objets dont la source est mystérieuse, il est peut-être un harceleur.

Que faut-il faire devant une situation d'intimidation?

Les directions d'école devraient statuer que l'intimidation est inadmissible, en parler ouvertement, encourager la dénonciation et prendre au sérieux les plaintes d'élèves. Surveillants comme enseignants devraient être attentifs aux signaux et aux changements qui se produisent dans les comportements des élèves.

Les victimes doivent aussi accepter de briser la loi du silence en s'ouvrant à un enseignant, à un surveillant ou à ses parents. L'agresseur devrait être immédiatement sanctionné et ses parents, informés. Les témoins peuvent aussi jouer un rôle-clé dans l'arrêt des situations d'intimidation. S'ils interviennent en bloc pour faire cesser une situation, l'élève qui intimide perd tout pouvoir. Une intervention peut également être faite par un leader positif de l'école, un élève aimé de tous qui accepterait d'intervenir auprès des élèves qui harcèlent.