Le constructeur automobile français Renault se dit «victime d'une filière organisée internationale» mais assure n'avoir pas perdu de secret majeur dans l'affaire d'espionnage qui l'ébranle, alors que le gouvernement se refuse à confirmer la piste chinoise avancée par des journaux de Paris.

Selon le numéro deux du groupe français, Patrick Pélata, l'enquête interne qui a mené à la mise à pied lundi de trois cadres dirigeants a conclu que Renault se trouvait «face à un système organisé de collecte d'informations économiques, technologiques et stratégiques pour servir des intérêts situés à l'étranger».

«Il s'agit en l'espèce d'un travail de professionnels. Renault est victime d'une filière organisée internationale», a affirmé M. Pélata, directeur général délégué du constructeur, au quotidien Le Monde paru samedi.

Le bras droit du PDG Carlos Ghosn n'a pas évoqué la piste chinoise.

Le ministre de l'Industrie, Eric Besson, premier responsable officiel à avoir parlé d'«espionnage industriel» et de «guerre économique» dans cette affaire qui touche au coeur stratégique d'un fleuron de l'industrie française encore détenu à 15% par l'État, s'est refusé à «confirmer» cette piste.

Le contre-espionnage français suit une piste chinoise

Évoquée par des spécialistes de l'intelligence économique, la piste d'une fuite de secrets vers la Chine a été présentée vendredi par le journal Le Figaro comme privilégiée par Renault et le contre-espionnage français.

Les trois cadres suspendus, mis en relation avec «des interlocuteurs chinois» par «un sous-traitant» français, auraient touché de l'argent à l'étranger contre des brevets «en attente d'être déposés» sur des batteries de véhicules électriques, selon le site internet de l'hebdomadaire Le Point.

«Le système mis en place était relativement sophistiqué, avec la constitution de sociétés écrans et l'ouverture de comptes à l'étranger, sur lesquels étaient régulièrement versées des sommes d'argent conséquentes», affirme de son côté Le Monde.

Le numéro deux de Renault a assuré pour sa part qu'«aucune pépite technologique, stratégique sur le point de l'innovation, n'a pu filtrer en dehors de l'entreprise, y compris les presque 200 brevets déposés ou en cours de dépôt».

La technologie électrique à l'abri, dit Renault

Le programme de recherche sur la génération à venir de batteries, lui non plus, «n'est pas concerné», a souligné M. Pélata, affirmant que l'affaire ne «change en rien» et ne retardera pas le développement des voitures électriques.

L'enjeu est énorme pour Renault, qui a déjà investi 4 milliards d'euros avec son partenaire japonais Nissan sur ce marché dans lequel il s'est engagé avant la plupart de ses concurrents et dont il vise le leadership mondial.

Le bras droit de Carlos Ghosn a néanmoins admis que «des informations sur l'architecture (des) véhicules, sur les coûts et le modèle économique» du programme de voiture électrique «peuvent avoir fuité».

«C'est grave mais moins que si le préjudice avait porté sur la technologie», a-t-il estimé.

Patrick Pélata a réaffirmé l'intention du constructeur de porter plainte et sa «conviction» que les trois cadres mis à pied «ont effectivement commis des fautes lourdes». «Dans quelque temps, ils passeront un entretien préalable à un éventuel licenciement», a-t-il indiqué.

L'un d'eux, Matthieu Tenenbaum, directeur adjoint du programme des voitures électriques de Renault, s'est insurgé vendredi par le biais de son avocat contre la «véritable pré-déclaration de culpabilité de la communication publique de Renault». Il s'est dit «abasourdi par les accusations d'espionnage».