L'interdiction de la cigarette dans les bars augmente le nombre d'automobilistes ivres sur les routes, conclut une récente étude d'économistes américains. Les accros de la nicotine n'hésitent pas à faire des kilomètres supplémentaires pour fréquenter les endroits où la cigarette est encore permise, ou qui n'appliquent pas sévèrement les lois antitabac.

Même les fumeurs qui continuent à fréquenter leurs bars habituels, et qui acceptent de sortir pour fumer, sont plus à risque de dépasser le 0,08. Comme ils n'ont plus de cigarette pour calmer leur anxiété, ils se tournent vers la bouteille. Et leur sang contient moins de nicotine, une substance qui pourrait amenuiser l'effet de l'alcool sur le cerveau.

«Je me suis intéressé à la question après avoir constaté que l'interdiction de la cigarette réduisait les revenus et le nombre d'employés des bars», explique Scott Adams, l'auteur principal de l'étude qui sera publiée en juin par le Journal of Public Economics, en entrevue téléphonique depuis l'Université du Wisconsin à Milwaukee. «Je me suis dit que logiquement, il devrait y avoir une baisse du nombre d'automobilistes qui prennent le volant ivres. J'ai été très surpris de constater le contraire.»

L'économiste américain a analysé les données de 120 comtés, dont 20 ont adopté une loi interdisant de fumer dans les bars, sur quatre ans. Si un comté interdisait la cigarette alors qu'un comté voisin ne le faisait pas, le nombre d'accidents liés à l'alcool au volant grimpait de 13% dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de l'interdiction. L'effet était durable: l'augmentation se maintenait au même niveau l'année suivante. «Nous n'avons pas fait le suivi de manière assez serrée pour avoir assez de données pour les effets sur quatre ans, dit M. Adams. Mais nous voulons reprendre l'étude dans quelques années pour constater les effets à long terme.»

L'impact de la nicotine sur l'effet de l'alcool est plus controversé. «Il y a eu un certain nombre d'études contradictoires là-dessus depuis quelques années, dit M. Adams.

L'effet semble bien réel, mais il est trop tôt pour le quantifier.» Les deux équipes qui ont observé cet effet «antagoniste» de la nicotine et de l'alcool, en 2001 et 2006, n'ont pas précisé l'amplitude de la réduction de l'ivresse.

Quant au remplacement de la cigarette par l'alcool pour calmer les anxiétés sociales, elle s'assimile à la prise de poids chez les fumeurs qui décident d'arrêter, selon M. Adams. «On sait que les ex-fumeurs vont souvent prendre du poids. Ils mangent pour compenser, et c'est en partie dû à la perte d'un mécanisme qui diminue leur anxiété. Une expérience a montré en 2000 que le sevrage de la nicotine pousse à boire davantage.» Tenir une cigarette ou une bière à la main aide certaines personnes à se donner une contenance, surtout dans un milieu comme un bar, où il y a potentiellement de la concurrence dans le domaine relativement anxiogène de la séduction et de la sexualité.»

Le tabagisme est sept fois plus grave chez les alcooliques que dans le reste de la population. Sept alcooliques sur 10 fument plus d'un paquet de cigarettes par jour.