Il y a plusieurs raisons de vouloir comparer ces deux légendes en ce début d'année. En voici deux qui feront l'affaire. D'abord, toutes deux portent le sceau de la nouveauté en 2011. Pour le Grand Cherokee, il s'agit de sa quatrième refonte, alors que le Cayenne en est à sa deuxième. Ensuite, l'un comme l'autre étrennent cette année de nouvelles mécaniques six cylindres. Celles-ci ajoutent à l'offre des deux constructeurs qui proposent également un moteur V8 atmosphérique à leur catalogue. Bien entendu, Porsche va plus loin encore: il offre des versions suralimentée (Turbo) et hybride (mi-essence, mi-électrique), mais limitons-nous ici à calquer l'offre du constructeur allemand sur son rival (d'un jour) américain.

N'eût été le Cayenne, Porsche aurait poursuivi une trajectoire parallèle à celle de Jeep. De fait, l'un et l'autre ont bâti leur légende sur des terrains opposés, si l'on oublie bien sûr les rares participations de la marque de Stuttgart au rallye de Dakar avec ses 911 et 959 dans les années 80.

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Si la particularité des parallèles est justement qu'ils ne se rencontrent jamais, des méridiens peuvent les croiser. Rappelez-vous vos cours de géométrie. Cela se vérifie également dans le cas qui nous occupe. Ces deux utilitaires ont manifestement la même taille, délivrent sensiblement la même puissance (les V6 surtout), comptent chacun sur un rouage intégral sophistiqué et promettent de tracter des charges presque équivalentes. Il n'y a en fait que le prix d'achat qui les sépare. Et encore! En location, les mensualités sont presque identiques.

Tour du propriétaire

Adepte de l'utilitaire pur et dur, Jeep a quelque peu dérogé à ses principes au cours des dernières années. Bien lui en prit puisque la marque américaine est parvenue à l'aide des Patriot et Compass à diversifier sa gamme et, du coup, à élargir sa clientèle.

Pour sa quatrième mouture, le Jeep Grand Cherokee a droit à une architecture allemande, en l'occurrence celle du ML enfanté par son ex-partenaire Mercedes.

Le Grand Cherokee prend l'ascendant sur son rival dans la section «vie à bord», comme en fait foi notre tableau de pointage. C'est clair, le Grand Cherokee bénéficie de l'expérience de son constructeur qui applique à la lettre la définition que l'on se fait d'un utilitaire. Véritable invitation à l'aventure et - une fois n'est pas coutume - l'habitacle du Jeep ravit l'oeil et participe à créer une atmosphère étonnamment léchée. La prise en main est facile grâce à une ergonomie bien étudiée. Pratique, la lunette s'entrouvre pour faciliter le transport de longs objets ou tout simplement pour y lancer l'ourson en peluche du p'tit dernier sans avoir à soulever le hayon! À ce sujet, le coffre a une modularité classique (60-40) par rapport à celui du Porsche, mais un volume supérieur, et ce, que les dossiers de la banquette soient abaissés ou non. Toutefois, le Jeep oublie d'être pratique. Quelques espaces de rangement, sans plus. Et il y a ces sièges qui offrent un maintien bien faible.

Aussi bien le reconnaître, l'assemblage de la première mouture du Cayenne n'était pas un modèle à suivre. Si les amateurs de la marque n'y ont vu que du feu, jugeant plus important de retrouver la signature du constructeur allemand en montant à bord, les critiques ont maintes fois dénoncé l'aspect bon marché des plastiques et l'agencement parfois douteux des couleurs. Tellement plus aboutie, cette seconde génération du Cayenne reprend à son compte le mobilier de la berline Panamera. Voilà qui en met plein la vue avec plus de 70 boutons et commutateurs dans l'environnement immédiat du conducteur. Pour la facilité de prise en main, on repassera! En revanche, on est confortablement calé dans son baquet et les occupants des places arrière n'ont pas à se plaindre du dégagement qui leur est accordé. Comme pour le Grand Cherokee, les rangements ne sont pas légion et le bloc d'instrumentation, quoique complet, est partiellement masqué par la jante du volant.

Au chapitre des accessoires, le Cayenne ouvre tout grand la porte (et votre portefeuille) à la personnalisation. Tout est possible: volant et banquette arrière chauffants. Enfin presque, à la condition de consentir à verser près de 15 000$ de plus que le prix de base affiché.

Sur la route

Deuxième round: le Grand Cherokee cède la tête de ce match au chapitre des performances générales. Toujours aussi soucieux de soigner ses capacités hors route, le Jeep manque de sportivité dès que la route se pave d'asphalte. Comprenons-nous bien, le Grand Cherokee est nettement plus agréable à conduire au quotidien que ne l'auront jamais été ses prédécesseurs. Cependant, devant un concurrent qui fait la part belle à la route, le Grand Cherokee doit baisser calandre. Sans avoir le comportement routier d'un poids lourd, le Grand Cherokee apparaît plus massif et surtout plus empesé que son rival qui concède de 200 à 300 kg environ sur la balance, selon la version et les accessoires retenus.

En tout-terrain, le Jeep ridiculise le Porsche. À la décharge de celui-ci, soulignons que ce n'est pas la qualité de son rouage intégral qui est en cause, mais plutôt sa garde au sol limitée malgré la suspension pneumatique. À cela s'ajoutent des angles plus obtus (attaque, ventral, sortie) et sa monte pneumatique - des 21 pouces! - totalement inadaptée à une utilisation hors route, lesquels le font très mal paraître. Bien entendu, les dimensions extérieures du Grand Cherokee n'en font pas un tout-terrain aussi zélé qu'un Wrangler, mais tout de même suffisamment performant pour ne pas patiner sur un galet ou s'enfoncer jusqu'aux portières.

Photo: Éric Lefrançois, collaboration spéciale

Voilà, avec le confort de roulement, les deux seules manches remportées par Jeep dans ce segment de notre match. Pour tous les autres éléments de comparaison, le Porsche l'emporte. Il freine plus efficacement, vire mieux et procure un agrément de conduite étonnant pour un véhicule de ce poids. Et, contre toute attente, le Cayenne offre une meilleure capacité de remorquage que l'américain, et ce, quelle que soit la cylindrée de sa mécanique.

Parlons-en, des mécaniques. Ce match a été réalisé en deux temps. D'abord avec les versions V6 de nos deux protagonistes. Ensuite, nous avons étalonné les mécaniques V8. En combinant les notes, notre tableau de pointage donne l'avantage à Porsche. Par contre, sur une base individuelle, notre groupe d'essayeurs a été plus impressionné par les performances du V6 3,6 litres du Grand Cherokee que le premier V6 made by Porsche. Ce dernier est à maints égards plus sophistiqué, c'est vrai, mais la mécanique n'a, dans les faits, guère à lui envier. Sa consommation est à peine supérieure à celle du V6 allemand et son niveau sonore - notamment au ralenti - sonne plus doux à l'oreille.

En comparant les V8, cette fois, c'est celui du Cayenne qui décroche la palme. À la fois costaud et musical, ce 4,8-litres éclipse le 5,7-litres du Jeep à tous les chapitres, y compris à la pompe. Alors que le moteur de Jeep adopte un dispositif de désactivation des cylindres d'une efficacité douteuse, Porsche rapplique avec un dispositif de coupure automatique du moteur à l'arrêt plus influent pour réduire la quantité d'émissions nocives aux sorties d'échappement. Résumons-nous: à tout choisir, nous préférons le Grand Cherokee V6 et le Cayenne S (V8).

Budget

À la dernière étape de ce duel, le Cayenne possède une longueur d'avance sur son rival. Celui-ci parvient à lui arracher des points au classement en offrant le meilleur rapport prix/accessoires. Doit-on s'en étonner lorsqu'un constructeur a le toupet d'exiger 220$ pour peindre les logos apposés sur les porte-moyeux?

En ce qui concerne les autres éléments de comparaison, le Cayenne rafle tout. Sa consommation moindre, l'étendue de sa garantie, sans oublier sa valeur de revente particulièrement élevée, lui permettent de franchir la première le fil d'arrivée.

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay pour son aide à l'organisation de ce match.

Photo: Éric Lefrançois, collaboration spéciale