André Laplante a couronné d'une façon très impressionnante la 119e saison du LMMC hier après-midi. Son nom avait valu au Club une liste d'attente, avait indiqué la direction. Le beau temps sans doute, on comptait pourtant un certain nombre de sièges vides dans Pollack.

Cheveux blancs retenus en arrière, simples chemise et pantalon noirs, le pianiste de 61 ans ouvre son programme avec un Haydn très tardif, la Sonate en mi bémol, 52e au catalogue Hoboken, qui est aussi l'une des toutes premières à avoir été confiées au disque (par Horowitz en 1934-35) et l'une des plus originales parmi les quelque 60 du compositeur.

Cette musique extrêmement exigeante où tout est constamment à découvert trouve Laplante dans une forme qu'il n'avait pas il y a 30 ans. On le sent aujourd'hui en pleine possession de l'instrument et en plein contrôle de toutes les situations. Des diverses qualités pianistiques et musicales qui distinguent son Haydn, je retiens en particulier la clarté avec laquelle les deux mains se répondent ou font entendre la mélodie à travers les arabesques. Laplante fait toutes les reprises; il en fait même une qui ne figure pas dans l'édition que j'ai devant moi.

On note aussi de grands gestes théâtraux, qui reviendront ici et là au cours du récital. Je suis absolument sûr que le pianiste ne pense pas à la galerie et que ces gestes font tout simplement partie de son élan intérieur.

Chez Ravel, qu'il aime tant, Laplante puise deux extraits de la suite Miroirs et la petite Sonatine en trois mouvements. Datant des mêmes années, ces pages forment un contraste qu'il souligne bien. Les deux extraits de Miroirs émergent de ses doigts avec cette délicatesse un peu superficielle qui s'appelle aussi impressionnisme, alors que la Sonatine y retrouve une simplicité, une clarté et une exactitude toutes classiques.

Le deuxième recueil, Italie, des Années de pèlerinage de Liszt, occupe l'après-entracte. Laplante avait joué le premier recueil, Suisse, au LMMC en 2009. Les six premières pièces se déroulent à une allure de rêverie ou de réflexion, avec juste ce qu'il faut de rubato pour créer l'impression d'une improvisation.

Après la sixième, Laplante quitte subitement le piano et s'en va à l'arrière-scène. Court-il chercher des pastilles pour les auditeurs qui toussent? Il revient hélas! les mains vides et s'engage dans le très long morceau final, Après une lecture du Dante (et non «... de Dante»), qu'il traverse avec des déferlements d'octaves absolument terrifiants.

Au lieu de nous laisser sur cette vision d'enfer, le pianiste se précipite au clavier pour un rappel. C'est une première erreur. Et la deuxième : le premier morceau, tout simple, tout gentil, des Kinderszenen - ou Scènes d'enfants - de Schumann. Quel manque de jugement chez quelqu'un à qui l'expérience du concert devrait dicter d'autres choix.

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ANDRÉ LAPLANTE, pianiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club.

Programme: Sonate no 62, en mi bémol majeur, Hob. XVI:52 (1794) - Haydn

Oiseaux tristes et La Vallée des cloches, ext. nos 2 et 5 de Miroirs (1905); Sonatine (1903-05) - Ravel

Années de pèlerinage. Deuxième Année: Italie (1837-49) - Liszt