Après une année invraisemblablement calamiteuse, marquée par une quantité impossible de drames, Steve Hill a enregistré récemment son prochain album au Studio 606 de Dave Grohl. Coup de fil à un gars qui mesure sa chance.

19 novembre 2022. Steve Hill rentre d’une soirée à Saint-Placide, dans les Laurentides, vers sa résidence de Trois-Rivières. Avec près de 3000 spectacles au compteur, parlons pour le guitariste de quelque chose comme de la routine. C’était avant qu’il s’endorme au volant et quitte la route. Il devra s’extirper de sa voiture par le pare-brise.

« Mon char était perte totale, mais moi, je n’ai rien eu, se rappelle-t-il. Pendant 24 heures, je me suis dit que j’étais le gars le plus chanceux de la planète. » Mais le lendemain, son père est mort subitement, à l’âge de 78 ans. Steve Hill n’était pas, après tout, le gars le plus chanceux de la planète.

Et ce n’était pas fini. Ce n’était que le début. En avril 2023, à la fin d’une virée dans l’Ouest canadien, Steve dort au sous-sol de la maison de son directeur de tournée, Nate. « Avant de me réveiller en sursaut, je rêvais à du barbecue, raconte-t-il. J’ai ouvert les yeux et la pièce était pleine de boucane. Cinq minutes de plus et on y passait. »

« Woke up in a house on fire », écrit-il quelques jours plus tard sur les réseaux sociaux, ce à quoi son ami Brian Loudenslager, fondateur de l’entreprise d’équipement Lauten Audio, lui répond que, parce que la vie ne tient qu’à un fil, il serait plus que temps de mener à bien leur projet d’enregistrer un album au Studio 606 de Dave Grohl, à Los Angeles, avec leur pote Darrell Thorp.

PHOTO MAT LUCAS, FOURNIE PAR L’ARTISTE

Le preneur de son Oliver Roman, Steve Hill, Darrell Thorp et Brian Loudenslager

« Quand j’ai rencontré Darrell, il avait huit Grammy à son actif. Maintenant, il en a dix », lance Steve en riant au sujet du réalisateur, mixeur et preneur de son sur le curriculum vitae de qui figurent les noms de Beck, Foo Fighters, Outkast, Jay-Z, Radiohead et Paul McCartney.

Par l’intermédiaire de connaissances communes, le musicien québécois devenait le cobaye de choix des deux Américains lors de différents salons de fabricants d’équipement.

C’est que les installations d’homme-orchestre de Hill, qui chante, fait rugir sa guitare et martèle sa batterie en même temps, permettent à Thorp de montrer l’étendue de ce dont les micros de Loudenslager sont capables.

« Toutes les fois, les gars me disaient : “Ce serait le fun que tu viennes taper à L.A.” Et moi, je me disais toujours : “Oui, ce serait cool, mais ça ne va jamais arriver.” »

Des performances avant toute chose

Brian Loudenslager, producteur et homme de parole, mettra pourtant tout en place afin que les choses se passent. Mais en août dernier – ceci n’est pas une blague –, la voiture du chanteur Johnny Pilgrim, qui venait de récupérer son ami Steve Hill à l’aéroport et qui le conduisait vers le Studio 606, est happée par une autre voiture, à une intersection.

« J’ai reçu le coude de Johnny dans les côtes et même si je n’avais rien de cassé, je n’étais pas capable de performer à 100 % », explique celui qui a dû plier bagage et qui a – enfin ! – séjourné au Studio 606 du 8 au 13 janvier derniers. « C’était mieux qu’on reporte, parce que Darrell, ce qu’il veut, c’est des performances. »

Des performances ? Dans son studio maison, Steve Hill a tout le luxe de reprendre la même chanson jusqu’à ce qu’il en soit satisfait. Il savait pertinemment qu’au Studio 606, où il a enregistré sur ruban, il serait hors de question d’agir ainsi, que la bonne prise devrait être la première, la deuxième ou la troisième.

Steve Hill au Studio 606

Une telle diligence suppose évidemment de faire la paix avec quelques imperfections, mais comme le veut la formule consacrée, il y a une faille en toute chose, et c’est par celle-ci que se faufile le rock.

« Et il y a aussi l’aspect préparation », ajoute Steve, qui a répété ses nouvelles chansons chez lui pendant des mois, selon un horaire militaire. « C’est ce qui fait que les grands albums des années 1960, 1970 sonnent autant : les gars savaient qu’ils ne pourraient pas tout corriger après. Il fallait qu’ils donnent le meilleur là, tout de suite. »

La beauté des dates butoirs

Au Studio 606, Steve Hill aura aussi pu s’inscrire dans la légende grâce à la console Neve 8028, rescapée par Dave Grohl des Sound City Studios (un processus raconté dans le documentaire de 2013 Sound City). Fleetwood Mac de Fleetwood Mac, Damn the Torpedoes de Tom Petty, Appetite for Destruction de Guns N’ Roses, Nevermind de Nirvana : tous ces albums portent l’empreinte de cet appareil exceptionnel.

« Oui, c’est impressionnant de voir la signature de Stevie Nicks et de Jerry Garcia sur la console, avoue Steve, mais un bon album, c’est un paquet de trucs. » Un paquet de trucs comme la « méchante paire d’oreilles de Darrell » et la grosse caisse de 28 pouces de marque Masters of Maple prêtée par Dave Grohl. « C’est la fin du monde, ce bass drum là. »

Tous ces fous ingrédients devraient donner le disque le plus dans-ta-face de Steve Hill depuis le très hard rock Devil at My Heels – le préféré des purs et durs – en 2007.

Sur Hanging On a String (titre de travail), à paraître l’automne prochain, notre homme creusera à nouveau, forcément, le thème de l’adversité, un des grands sujets de l’interprète de Gotta Be Strong, Long Road et Tough Luck.

« Je sais maintenant que ma vie a un deadline, mais c’est bon, les deadlines, ça aide à faire des choix », confie celui qui se lève et se couche désormais très tôt et qui a demandé la main de sa blonde le 23 décembre dernier. Il aura 50 ans dans six mois.

« Mais ce qui n’a pas changé depuis que je suis kid, c’est la musique. Je te le dis, je pense encore à ça tout le temps. Et c’est beaucoup ça qui fait qu’en fin de compte, je suis très heureux. »

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