Le précédent album de Benjamin Biolay, Grand Prix, a connu un succès aussi exceptionnel qu’inattendu – deux Victoires de la musique en 2021, un disque platine et plus de 17 millions d’écoutes pour la chanson Comment est ta peine sur Spotify. Deux ans plus tard et la tournée à peine terminée, le ténébreux auteur-compositeur-interprète français est déjà de retour et lancera vendredi Saint-Clair, son dixième album en 21 ans.

« C’est toujours très émotif, la sortie d’un album, nous dit Benjamin Biolay, affable au téléphone. Ça me ramène toujours à la première fois. »

Et cela, quel que soit « le succès ou l’insuccès » de l’album précédent, dit celui qui a beaucoup écrit pour les autres, de Henri Salvador à Isabelle Boulay en passant par Vanessa Paradis.

Si ça ne marche pas, vous vous dites : pourvu que je ne continue pas à m’enfoncer. Si ça marche, vous vous dites : pourvu que ce soit au même niveau. Ce sont toujours des questions angoissantes auxquelles on ne peut pas échapper, à moins d’être complètement indifférent.

Benjamin Biolay

Benjamin Biolay arrive cette fois auréolé de succès, mais il semble aussi surfer sur une vague créative qui ne se tarit pas. « Il y a eu quelque chose d’exaltant dans cette période de concerts et d’enregistrements. J’ai été obligé aussi de maintenir le cap eu égard à tout ce qui se passait dans la société, avec les concerts annulés, les couvre-feux… »

Un genre de retour aux sources de sa flamme musicale, pendant lequel il a composé 35 chansons, dont 16 se retrouvent sur Saint-Clair. Il l’admet, il a toujours aimé les albums très chargés. « Je suis un peu un cinéaste frustré. Je fais du cinéma sonore, comme un long métrage. Parfois, je me dis : je vais faire un album très serré, avec 10 ou 11 titres, mais je n’y parviens pas ! »

Lumière

Le fil conducteur de l’album est la ville de Sète dans le sud de la France, où il a passé ses étés de jeunesse et où il a acheté une maison, il y a une quinzaine d’années – Saint-Clair est le nom de la montagne au pied de laquelle la ville s’est développée, au bord de la Méditerranée.

« La lumière est folle là-bas. » Benjamin Biolay s’en est inspiré pour cet album où la mer est le personnage principal, qui parle d’amours éphémères et de relations qu’on aurait voulues plus longues, de langueur et de désir, de sexe et de religion, mais qui donne aussi une place aux migrants dans la chanson La traversée.

« C’est un album qui parle de la Méditerranée, le portrait aurait été incomplet sinon, raconte Biolay. Ce n’est pas les vacances, pas le camping, c’est la vie. J’y pense souvent quand je suis là-bas. »

Comme pour l’album Grand Prix, qui s’inspirait de l’univers de la course automobile – « Les gens autour de moi disaient : “Mais t’es sûr de ça ?” », s’amuse-t-il –, le chanteur a bien aimé se servir du cadre d’un fil conducteur dans la fabrication de Saint-Clair. « Depuis la nuit des temps, les artistes ont l’impression qu’un cahier de charges, c’est terrible, dit-il. Mais ça peut donner des ailes, en fait. Ça permet d’aller dans des registres auxquels vous n’avez pas pensé, d’éviter d’être dans une autocontemplation égocentrique. »

Pour conserver une unité de ton, il a aussi voulu travailler en petit comité, avec une équipe réduite de musiciens, comme s’il était « le chanteur d’un groupe ». L’album se promène entre le rock des Strokes, les rythmes disco et l’influence du chanteur brésilien Rodrigo Amarante, qui a écrit la chanson thème de la série Narcos.

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« Le terme rock, c’est très ambivalent. Disons qu’on avait une grosse envie de guitares, de danser un peu. De se bouger. »

Montagne

En écoutant la très belle (Un) Ravel, on a l’impression que le chanteur de 49 ans est à l’étape des bilans. Mais ce n’est pas le cas, dit celui qui depuis 20 ans distille avec élégance son spleen dans ses chansons : « C’est comme gravir une montagne. Je n’en vois toujours pas le sommet, mais quand je regarde derrière, je vois que la terre ferme est loin. Mais quand je dis sommet, je ne parle pas de la gloire, mais de cette aventure, ce grand voyage à travers les forêts de la création. »

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Le chanteur qui aime bien le Québec – « Isabelle Boulay, c’est comme si j’avais une sœur chez vous » – n’a pas donné de spectacle à Montréal depuis 2017. « Ça fait cinq ans que je ne suis pas allé en Amérique du Nord », se désole-t-il.

La pandémie a compliqué les choses, des projets de voyage ont été faits, mais n’ont pu se concrétiser. « On a tous hâte que la vie reprenne », ajoute le chanteur, qui a souvent pris la parole au nom du milieu des arts pendant la pandémie. « Je le faisais quand ça me paraissait utile. Mais par rapport à ce que je pensais, disons que c’était extrêmement policé ! »

Le redémarrage est difficile dans l’industrie du spectacle, constate-t-il, alors que sa nouvelle tournée vient de prendre son envol. Le verra-t-on au Québec en 2023 ? « Ah, ça viendra… N’importe où, n’importe quand ! »

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