Bran Van 3000 célébrait vendredi soir sur la place des Festivals les 25 ans de son premier album, Glee, paru en 1997. Mais parce que Bran Van 3000 a l’indocilité chevillée à son identité, le groupe commençait son spectacle avec un morceau tiré de son album suivant, Discosis (2001). Choix peu conséquent ? Choix avisé. Dans Loaded, Sara Johnston chante son désir de jouer de la guitare et d’être une star de cinéma, de se torcher la gueule (get fuckin’loaded) et de faire le party, party, party. Faire le party, party, party ? Vendredi soir, c’était précisément ça, le plan.

Derrière sa guitare électrique, la blonde chanteuse, vêtue d’un gaminet noir aux couleurs de son groupe et d’un short en denim, incarnait la belle promesse qu’a représentée Bran Van 3000 durant son court passage au firmament. Quelle promesse ? Il suffit de le vouloir pour être une rock star.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Sara Johnston

Ou, plus précisément, il suffit d’avoir à son côté un ami aussi magnifiquement opiniâtre, aussi magnifiquement charismatique que James Di Salvio, leader de Bran Van 3000 et noceur professionnel, dont le plus précieux talent demeure ce magnétisme lui permettant de rassembler autour de lui ce que sa ville, Montréal, a de mieux à offrir en matière de musiciens.

À 53 ans, le fêtard impénitent, biberonné à la belle et bonne musique qui faisait naguère vibrer les bars tenus par son illustre père Bob, demeure le gars le plus cool partout où il met les pieds. Depuis là où nous nous trouvions, le Bran Man semblait s’être dérobé à l’emprise du temps, tant il affichait la même silhouette élancée et la même dégaine de b-boy qu’à la fin des années 1990, sous sa casquette bien enfoncée et son t-shirt de Biggie.

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James Di Salvio

Si la soirée avait donc les allures de retrouvailles entre le collectif à géométrie très variable et le public de la métropole, elle avait aussi les allures de retrouvailles entre les membres de BV3 eux-mêmes. Quelle joie de voir apparaître pour Rainshine Jayne Hill, qui, à la belle époque, complétait avec Sara Johnston le principal duo de voix féminines ayant forgé le son du groupe. Si cette dernière a poursuivi une carrière en solo, Hill est demeurée plus discrète dans les années ayant suivi la fin de l’aventure.

S’il fallait résumer ce spectacle en une image ? Nous vous montrerions sans doute Stephane Moraille (la voix de Drinking in L. A.) qui enlace Sara Johnston en sautant dans les airs, durant les premières mesures d’Astounded, tube éternel issu de Discosis.

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Stephane Moraille

Shelley Kwanza, l’étoile de cet actuel alignement, s’acquittait admirablement des refrains du légendaire soulman Curtis Mayfield, qui avait permis à Bran Van de fouiller dans ses chutes de studio, après qu’il ait quitté ce monde pour un autre.

Mais juste au moment où la fête prenait son envol, Sara Johnston y allait de deux chansons plus douces (trop douces ? ), dont Call Me, tirée du troisième album de la formation, Rosé (2007), un album qui ne figure parmi les albums préférés d’absolument personne. Nous voici donc réunis afin de célébrer le quart de siècle de Glee, mais en tentant d’entonner des chansons d’un autre album beaucoup, beaucoup, beaucoup moins important. Ce qui se défend difficilement, surtout que le groupe aura omis, au final, des classiques de Glee comme Couch Surfer et Forest. Curieuse décision.

Pour tout vous dire, la rumeur dans la loge des médias allait comme suit : que Bran Van 3000 se trouve enfin à nouveau sur scène cet été tient ni plus ni moins du miracle, tant les tentatives (avortées) de réunion se sont multipliées au cours des dernières années.

Le spectacle auquel nous assistions vendredi ne donnait pas exactement l’impression d’avoir été outrancièrement répété, mais allions-nous en tenir rigueur à James Di Salvio et à ses camarades ? Bien sûr que non.

Bien sûr que non, parce que nous avons tous un ami flemmard du genre de James Di Salvio, sur qui tous les problèmes du monde semblent couler comme sur le dos d’un canard qui aurait fumé une ou deux cigarettes de tabac d’artiste.

Des images du Dude, le personnage indolent de Jeff Bridges dans The Big Lebowski des frères Coen, apparaissaient à l’écran au moment où le guitariste Nick Hynes faisait enfin résonner les inoubliables premières notes de Drinking in L. A.

Et soudainement, c’était l’évidence : James Di Salvio est ce dude qu’il fait bon retrouver une fois par décennie (plus ou moins), afin de se rappeler à quel point il fut doux d’être jeune, et fou, et insouciant. « Twenty-five years of love », hurlait Stephane Moraille vers la fin de ce hit absolu de Bran Van 3000, qui n’aurait jamais eu un tel retentissement sans sa voix titanesque. Vingt-cinq ans d’amour : c’était ça l’important, c’était ça l’essentiel, et vendredi soir, nous étions heureux de les honorer.