Le grand public l’a connue à Star Académie, il y a plus de 15 ans. Depuis, Sandy Duperval ne s’était plus permis de faire paraître de la musique en tant qu’auteure-compositrice-interprète. Jusqu’à aujourd’hui. Avec le EP Ad-Vitam, dont le premier simple, O, sort ce vendredi, Sandy Duperval se présente, se raconte. Entrevue en cinq temps pour rencontrer ou redécouvrir la musicienne montréalaise.

Votre EP sortira à l'automne après un long parcours durant lequel vous avez été concurrente à Star Académie, puis DJ et productrice, entre autres. Qu’est-ce qui a inspiré ce disque et pourquoi arrive-t-il maintenant ?

Je raconte mon histoire. Cet album, c’est un peu parce que je n’ai pas la patience d’écrire un livre ! […] La chanson O, qui sort demain [ce vendredi], ça fait 13 ans que je l’ai écrite. Sur l’album qui va sortir après le EP, il y a des chansons qui datent d’il y a 20 ans que j’ai peaufinées. […] Je n’avais pas le courage d’affronter l’industrie avant. C’est la mort qui m’a rapprochée de la vie. Je suis tombée extrêmement malade. Après, j’ai perdu ma grand-mère, j’ai perdu ma mère. C’est de voir à quel point la vie est fragile qui m’a fait réaliser que je n’ai rien à perdre. J’ai recommencé à écrire, à composer des trucs un peu plus personnels. Je suis restée à la surface pendant longtemps. C’est l’ensemble de ces leçons qui m’ont fait réaliser que je ne sais pas combien de temps j’ai, mais qu’il faut que je maximise, que je me permette d’exister dans toute mon authenticité.

Est-ce qu’il a toujours été clair, même si vous avez bifurqué vers d’autres projets, que vous alliez éventuellement revenir vers l’écriture, la composition et l’interprétation ?

Ça a toujours été le but, ce que mon cœur voulait. Mais j’ai toujours essayé d’être rationnelle. Il fallait que je sois flexible. L’industrie a beaucoup changé. Quand j’étais jeune, on idolâtrait les Whitney Houston et les Céline Dion, qui sont majoritairement interprètes. Je me disais qu’il fallait que j’aie une grosse voix, que je chante de grandes ballades. Je me suis dit que j’allais faire comme les gens veulent. Ensuite, l’ère de Beyoncé est arrivée. Et moi, j’ai deux pieds gauches, je ne peux pas faire semblant d’être quelqu’un que je ne suis pas. Je trouvais qu’il n’y avait pas de place pour une artiste comme moi. Je me suis dit que j’étais peut-être une has been ou même une has never been [rires] ! Je n’avais pas de modèle, alors je ne me suis pas permis de pousser plus fort. […] J’ai quand même continué à produire, à développer mon son. Je sais que je ne veux pas aller où tout le monde va. Ça vient avec le coût du temps et de l’énergie, mais je n’ai jamais eu autant d’assurance dans mes convictions que maintenant.

Le vidéoclip qui accompagne O montre l’amour et l’attirance entre deux femmes. Vous avez pris la parole contre la lesbophobie, vous avez été porte-parole de la Fierté en 2020. Est-ce que c’est simplement une normalité et une évidence pour vous de célébrer l’homosexualité dans votre art ou bien c’est aussi une décision engagée ?

Malheureusement, ce n’était pas naturel. Il n’y a pas beaucoup de représentation. Et toute ma vie, on m’a dit que c’était mal, ce qui m’a tellement ralenti dans mon cheminement personnel. Et puis, je me suis dit pourquoi les gens ont le droit de dicter comment ma vie doit se passer ? Pourquoi je dois laisser les autres gérer mes sentiments ? [Ce vidéoclip], c’est un statement. Dans l’accomplissement de ma vie, de mon émancipation, j’en suis à dire : voilà qui je suis. Toute ma vie, j’ai vu l’hétéronormativité. All good. Mais pourquoi les gens devraient se plaindre de mon homosexualité ? Et en même temps, en tant que femme antillaise, c’est aussi de savoir que ça va en chicoter plus d’un, mais c’est ma liberté, c’est ma vie. Je ne vais pas vivre dans l’ombre de ces gens-là.

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En plus de votre carrière musicale, vous poursuivez des études en cuisine et en gestion. Ça vous fait beaucoup de chapeaux en même temps, en plus de ceux de DJ, productrice, auteure-compositrice-interprète. Pourquoi avoir voulu emprunter tous ces chemins ?

Ma grand-mère était cuisinière. Dans ma vie, j’ai passé ma vie entre le studio et la cuisine. On faisait des pâtés pour les femmes de l’église et ensuite on allait chanter. Pour moi, il n’y a pas de déconnexion. Quand je suis en cuisine ou dans un studio, je retrouve ma créativité, ma liberté, mon indépendance. Je termine en 2022 mon bac en gestion. Je suis retournée à l’école avec un besoin de m’outiller pour réaliser un rêve que ma grand-mère et moi avions [faire de la cuisine communautaire]. C’est mon désir de connecter les gens qui fait que je me retrouve dans les deux.

Quelle est la suite pour votre carrière, maintenant que vous vous êtes relancée dans l’écriture et la composition ?

D’abord, je termine l’école [à Toronto] ! À court terme, c’est de sortir cette musique qui est dans mon ordi depuis trop longtemps. Maintenant, je suis très bien entourée, j’ai une superbe équipe. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, on est à la merci de la COVID, mais on est prêts à sortir de la musique, à changer le monde de notre propre façon, à inspirer et à laisser une marque qui pourra servir à d’autres personnes. J’ai arrêté de me mettre de la pression. Je suis hyper flexible. J’ai un petit bagage de musique et peu importe où la vie m’amène, je l’amène avec moi. Et quand le timing sera bon, moi, je serai prête.

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Sandy Duperval