D'origine uruguayenne, le Montréalais Alvaro Pierri est considéré comme l'un des plus éminents interprètes de la guitare dite classique. Concertiste sollicité sur tous les continents, le virtuose vit dans notre île depuis trois décennies - il y réside principalement et y est professeur à l'UQAM. Sa renommée locale déborde-t-elle le cercle des férus de guitare classique? Il y a lieu de spéculer, mais... pour la première fois depuis quatre ans, le revoilà sur une scène d'ici... à guichets fermés!

Voilà donc l'occasion de faire (ou refaire) connaissance.

À l'aube de la soixantaine, Alvaro Pierri a une impressionnante feuille de route, qu'il nous résume courtoisement, joint en Autriche à la veille de rentrer au Québec: «Après avoir quitté très jeune Montevideo, j'ai vécu à droite et à gauche, en France notamment. Puis j'ai gagné un concours au Brésil, on m'y a offert un poste d'enseignant. J'avais alors 21 ans... j'y suis resté six années, à Santa Maria dans le sud du pays - là même où cet incendie meurtrier vient d'avoir lieu dans une discothèque. Je m'y suis marié, j'y ai eu un fils qui vit aujourd'hui à São Paulo.»

À l'époque, le musicien estimait être trop jeune pour envisager de passer sa carrière entière au Brésil. Il partit pour la France, avec femme et enfant.

«Alors que je résidais là-bas, je suis allé à New York y enregistrer. Puisque je n'étais pas loin du Québec, j'ai pris un avion pour découvrir votre hiver en plein mois de février. J'y connaissais François Cousineau, que j'avais rencontré à Paris alors qu'il accompagnait Maxime Le Forestier - la femme québécoise de mon luthier français me l'avait présenté à son atelier.

«À mon arrivée à Montréal, je fus invité par François qui me présenta à son frère Jean [qui avait fondé les Petits Violons] avec qui je devins aussi très ami. Par la suite, on m'invita au Festival d'Orford où je connus le regretté compositeur Jacques Hétu; ce dernier m'invita à enseigner à l'UQAM. J'ai accepté de vivre cette aventure.»

Monde entier

Et l'aventure se poursuit! Aujourd'hui remarié avec une pianiste autrichienne devenue productrice, Alvaro Pierri fait la navette entre Montréal et Vienne, en plus de tourner dans le monde entier - bien que sa résidence principale demeure québécoise. Puisqu'il tourne fréquemment en Asie, il a une autre «base» à Hong Kong, où il laisse quelques instruments en permanence.

Et... pourquoi n'avoir pas joué à Montréal depuis quatre ans? «Le hasard, je suppose... Il m'arrive d'y jouer deux ou trois fois de suite, pour ensuite espacer mes apparitions. Vous savez aussi que les occasions de concerts pour la guitare classique ne pleuvent pas...»

En voilà néanmoins une belle, ce soir: on a demandé à l'interprète d'imaginer un programme exclusivement constitué de musique latino-américaine, dans le contexte de l'exposition sur le Pérou présentée actuellement au Musée des beaux-arts de Montréal. «J'ai choisi des musiques savantes, mais aussi d'autres pièces inspirées par les folklores et les musiques populaires», explique le musicien, qui ne se considère d'ailleurs pas comme un guitariste exclusivement classique.

«Prenons Egberto Gismonti. L'expérience qu'il propose est très ouverte. De lui, je jouerai Central Guitar, très bel hybride entre jazz, musique expérimentale des années 70 et quelques motifs de musique typique du Nord-est brésilien. Je jouerai aussi les pièces Frevo et Agua&Vinho de Gismonti.»

Pierri interprétera aussi la musique du compositeur mexicain Manuel Ponce «dont une Valse très mignonne et sa Sonate #3, très impressionniste et que j'affectionne très particulièrement.»

Paraguay

Figurent également au programme Cinco Piezas, cinq pièces du compositeur paraguayen Agustin Barrios, «dont le travail fut partagé entre musique folklorique, musique populaire et musique romantique de tradition classique. Il fut un grand expérimentateur de la musique latino-américaine du XXe siècle - il a résidé en Uruguay, au Brésil, en Argentine...»

Les pièces Verano Porteno, Triston, Compadre, d'Astor Piazzolla, ont été choisies pour ce même programme, et pour cause: «Jeune, j'ai eu la chance de jouer avec lui, notamment en 1986 au Festival international de jazz de Montréal, de concert avec l'Orchestre Métropolitain. En 1985, j'avais aussi enregistré avec lui pour Deutsche Grammophon. Nous avons fait ensuite quelques concerts ensemble. Nous devions poursuivre en trio [avec contrebasse], mais il est tombé malade... et il est décédé trois ans plus tard. Il fut très paternel à mon endroit.»

Du grand compositeur cubain Leo Brouwer, soit l'un des plus importants de la guitare contemporaine avec qui il a tissé des liens solides, Alvaro Pierri interprétera El Decameron Negro.

D'Alberto Ginastera, que notre interviewé qualifie de plus grand compositeur argentin, la Sonate pour guitare Op.47 sera jouée. «Il a peu composé pour la guitare, car il avait peur que ce ne soit pas assez bon!»

Fier promoteur de la grande musique latino-américaine, Alvaro Pierri est d'un tout autre avis...

Alvaro Pierri se produit à guichets fermés ce soir, 20h, à la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal.